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Gilles VINCENT


Djebel



Ce roman nous permet d'assister à la rencontre des deux héros récurrents de l'auteur, Sébastien Touraine, ancien policier devenu détective privé, et Aïcha Sadia, commissaire à Marseille, qui ne se connaissent pas encore quand commence Djebel.

Le titre s'explique dès le prologue situé en mars 1960 à Ouadhia, en Kabylie. Antoine Berthier, jeune militaire français, était radio pour le capitaine Murat. Au moment de rejoindre la France, son service terminé, il culpabilise de "rentrer bredouille", ne pas avoir tué d'ennemi, contrairement à tous ceux qui l'entourent. L'adjudant Ferrero monte une petite opération pour qu'il puisse partir sans regret…
Sur le bateau du retour, Antoine se suicide. A la famille qui l'attend, on explique qu'il est mort au combat…
Pourquoi ce geste désespéré maquillé en acte de bravoure ? Tout n'est pas dit, on apprendra le reste au fil du roman.

Quarante et un an plus tard, en septembre 2001, Sébastien Touraine reçoit la visite de Viviane Dimasco, la sœur jumelle d'Antoine Berthier. Elle a reçu une lettre d'un ancien soldat qui, au moment de mourir, a voulu soulager sa conscience sur le suicide d'Antoine. Il lui donne les coordonnées de ceux qui pourront lui raconter ce qui s'est réellement passé en mars 1960. Viviane pense que les anciens militaires parleront plus facilement à un homme et charge le détective de les retrouver pour découvrir la vérité.

Touraine commence ses recherches mais les acteurs ou témoins de cette vieille histoire sont assassinés l'un après l'autre avant qu'il puisse leur parler…

Surpris sur une scène de crime, il est considéré comme suspect et arrêté par la police. Mais la commissaire Sadia accepte de lui faire confiance et c'est ensemble qu'ils vont mener cette enquête, chacun selon ses méthodes.

La traque n'est pas de tout repos, évidemment, et le moindre retard dans la compréhension des événements permet aux meurtriers de poursuivre l'élimination des témoins, par peur ou par vengeance, pour effacer les traces du passé.

Pour Aïcha Sadia, la guerre d'Algérie fait partie, douloureusement, de son histoire familiale.
– Je suis née en 1966, quatre ans après la fin de la guerre d'Algérie. Cette guerre, mes parents m'en ont toujours tenue éloignée. Le sujet n'était quasiment jamais évoqué à la maison et, depuis deux jours, j'ai l'impression d'être devenue témoin d'une tuerie abominable. D'un règlement de comptes qui, au final, n'apporte aucun soulagement, aucune paix. Comme cette putain de guerre, en fait.
Touraine avait observé trois petites rides se dessiner sur le front d'Aïcha.

Théo Mathias, le médecin légiste, connaît le détective depuis longtemps et il s'amuse de cette étrange situation qui oblige l'ancien policier et la commissaire à travailler ensemble. Il met en garde la jeune femme :
– Juste une chose à propos de Sébastien Touraine. C'est lui qui risque de vous surprendre. Sachez-le.
– Comment ça ?
– Depuis toujours, il aime mener la danse. Vous, vous aimez conduire, et lui, il aime avant tout danser. Franchement, le duo risque d'être passionnant.

La suite montre qu'il a raison…

Un autre bonheur de lecture est l'ancrage du roman dans l'atmosphère de Marseille, cette ville que le détective ne se lasse pas de parcourir :
Fermer à clé, laisser descendre l'ascenseur. Marcher une fois de plus sur les bords de la ville, sur les bords de ses doutes. Marcher longtemps jusqu'à se vider la tête et puis, quand les dernières traces de la nuit seront effacées par la sueur, se remettre à penser.
Laisser le Vieux-Port sur sa droite, longer la plage des Catalans, suivre la mer par la Corniche, accélérer le pas jusqu'à sentir son cou se mouiller, puis son front, puis sa chemise dans le dos. Marcher comme ça jusqu'à l'Escale Borely, la Pointe Rouge, les Goudes. Poser ses fesses à la terrasse d'un troquet, reprendre son souffle et s'enfiler une bière d'un trait. Laisser la transpiration noyer son visage et là, face aux barques des pêcheurs qui repartent, tenter de faire le point.

Tous les ingrédients sont réunis pour un roman passionnant qui fait frémir, rager, sourire, éprouver du dégoût, de la colère, de la tendresse, selon les situations et les personnages, de chapitre en chapitre, jusqu'à la dernière page. On en sort avec une grande envie de retrouver les deux enquêteurs dans d'autres aventures. En attendant les volumes suivants, on peut lire ou relire Parjures et Beso de la muerte parus chez le même éditeur. A suivre…

Serge Cabrol 
(29/06/13)    



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Noir & polar









Editions Jigal
(Mai 2013)
256 pages - 8,80 €










Gilles Vincent,

né en 1958, nouvelliste et romancier, est l'auteur de sept livres dont quatre ont paru chez Jigal.









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