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Janis OTSIEMI


Le chasseur de lucioles



Une double enquête se déroule à Libreville, capitale du Gabon, du 1er au 30 juin.
D'un côté, le lieutenant Boukinda et le sergent Envame sont chargés d'élucider la mort d'un homme abattu, dès les premières pages, sur une plage. Qui ? Pourquoi ? Dans quel trafic trempait-il ?
D'autre part, le capitaine Koumba et son adjoint, Owoula, sont confrontés à une série de meurtres de prostituées, les "lucioles" évoquées par le titre. Le lecteur suppose très vite connaître le nom du chasseur et son mobile mais encore faut-il que l'enquête le confirme et elle se révèle assez complexe.
Deux affaires bien distinctes mais la façon dont elles se rejoignent vaut son pesant de francs CFA et montre que la corruption n'épargne pas la police.

Le roman est constitué de chapitres courts qui dynamisent le rythme du récit, chacun étant introduit par un proverbe évocateur : "Si les abeilles te suivent, c'est que tu as mangé du miel" ; "Le singe qui a une longue queue ne saute pas au-dessus du feu" ; "Une seule main ne ramasse pas dix noix de palme" ; "Le pied qui a été mordu par un serpent a peur d'un bout de corde."

Outre l'aspect policier du roman, les intrigues bien construites et les personnages hauts en couleur, la langue vive et imagée de l'auteur ajoute beaucoup au plaisir de lecture et dévoile bien des aspects de la réalité gabonaise. Des notes en bas de page précisent le sens de certains mots ou expressions.

"Le policier attendait Koumba et Owoula sur le perron. Le Labyrinthe était une ancienne habitation qui avait été transformée en motel. Le propriétaire devait être un ancien ponte de la république au tombage49 vu le côté coquet de la piaule. Le commerce de la cuisse tarifée faisait florès dans le pays. En quelques années, des garceries avaient poussé çà et là comme des champignons, à croire que baiser était devenu le sport favori des Gabonais. Nul ne l'ignorait. Les Gabonais étaient passionnés de femmes. Et bon nombre d'entre eux entretenaient des deuxièmes bureaux50."
49 Être au tombage: avoir perdu son prestige ou être tombé en disgrâce.
50 Femmes entretenues par des hommes mariés.

"Depuis sa création, la police judiciaire n'échappait pas à la géopolitique ethnique prônée par les plus hautes autorités de la république dans toute l'administration publique. La nomination du colonel Essono Lambert, un Fang du nord, à la tête de la Police judiciaire en remplacement du colonel Tchicot Edmond admis à la retraite six mois plus tôt avait été une rupture car ce poste était naguère réservé aux Myènè de la province de l'Estuaire. Très vite, le colonel Essono Lambert avait tenu à marquer son territoire comme un clébard. Il n'était pas arrivé seul. Dans ses bagages, il avait ramené un troupeau de ses affidés, de la même ethnie que lui, qu'il avait placés à des postes stratégiques. Le tribalisme doublé du népotisme, du clientélisme et de l'allégeance politique est ici un sport national, comme le football l'est au Brésil. Plus qu'une chasse aux sorcières, l'épuration ethnique est légion dans toute l'administration gabonaise. Certains ministères étaient même réputés être la propriété d'une certaine ethnie. Vive la république tribaliste !"

Ce roman est vraiment un régal, un palpitant thriller et un passionnant voyage dans l'atmosphère colorée de la capitale gabonaise. Un auteur à découvrir et à suivre chez un éditeur engagé qui ne déçoit jamais !

Serge Cabrol 
(19/05/12)    



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Noir & polar










Editions Jigal
208 pages - 16 €





Janis Otsiemi,

né en 1976 au Gabon a publié une douzaine de livres dans divers genres littéraires (poésie, essai, nouvelles…), dont trois romans policiers chez Jigal. Il a obtenu le Prix Gabonais du roman 2010 pour La vie est un sale boulot (Jigal, 2009). Il vit et travaille à Libreville.



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