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Avec des photographies de Cyrille Derouineau de plages abandonnées, battues par la pluie ou le vent, de cabines fermées, de transats repliés et de parasols oubliés, de palmiers encapuchonnés, avec ces clichés d'étranges statues posées sur le sable pour ajouter au décor une touche d'irréalité cinématographique et un soupçon de décadence, on est transporté sur la Côte d'Azur à la morte saison. En regard, comme le veut le cahier des charges de cette collection, Marcus
Malte nous offre un texte en résonance. Celui-ci est engagé, fort
et décalé. Par ce récit, la narratrice fouille leur passé commun, dit son incompréhension et sa révolte face à son départ, sa douleur face à sa mort. Mais plus qu'un journal intime, c'est un dialogue de papier qui, par delà la disparition, s'établit, confrontant aux mots de la passion, de l'enfance et de la nostalgie de la sur, ceux de la violence et de l'horreur issus des lettres du militaire et de ses carnets de combat restitués post-mortem à la famille par un frère d'armes. Le choc est d'autant plus violent que Pierre a vécu cet épisode
guerrier en acteur convaincu, se faisant complice des actes de barbarie commis
au nom de la défense de la patrie jusqu'à les justifier. Terrible confession émaillée de commentaires réactifs
d'Alice qui passe de la colère à la révolte : Restent aussi l'incompréhension, la nostalgie : Avec un frémissement d'horreur et un arrière-goût de honte
: Restent présents en filigrane, cet amour déraisonnable, passionnel,
coupable mais intact et cette obsession : "Il y a plus d'un demi-siècle
que la question me hante : est-ce que c'était de ma faute ?" Marcus Malte nous offre là une courte fiction (90 pages), qui entrelace
de façon prégnante le désastre personnel d'une histoire
d'amour interdite et les ravages d'une guerre barbare. Passion et exactions
pareillement occultées, innommables. C'est dans la fréquentation de la mort et des souffrances ressenties, infligées, que le récit puise toute son intensité. Mais si ce texte engagé est rageur et violent, il sait aussi, dans l'évocation de la tendresse et la douleur, se faire profondément humain et émouvant, entre claque et caresse. En heureux contrepoint à l'insoutenable vérité mise à nue, les photos de plages hivernales dispersées au fil des pages, le rapport pacifié de la femme vieillissante à ce paysage inhabité, ouvrent des espaces d'accalmie, comme si l'auteur voulait par les images et les mots permettre au temps de panser les plaies, à Alice, à tous, de se tourner vers l'avenir tout en tirant les enseignements qu'impose la mémoire. Pour ceux qui ne connaissent Marcus Malte que comme excellent auteur de polar,
ce livre est une belle occasion de découvrir sa corde, tout aussi sombre,
de nouvelliste, déjà révélée avec Intérieur
nord, Toute la nuit devant nous, Ostende... On y retrouve, pour notre plus
grand plaisir, la même conjugaison de puissance et de sensibilité,
enrichies par l'intensité singulière que peut apporter le format
court. Dominique Baillon-Lalande (28/07/12) |
Sommaire Lectures Editions Le Bec en l'Air (Février 2012) 112 pages - 15,70 € Photos de Cyrille Derouineau Vous pouvez lire sur notre site un entretien avec Marcus Malte et des articles concernant d'autres livres du même auteur : Pour les adultes Intérieur nord Garden of Love Toute la nuit devant nous Les harmoniques Cannisses Pour la jeunesse Il va venir Bandit De poussière et de sang Scarrels Ô corbeau Pour visiter le site de l'auteur : www.marcusmalte.com Le photographe et l'écrivain se sont déjà rencontrés dans un recueil collectif de nouvelles : Ostende au bout de l'est (Le Bec en l'air, 2009). |
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