Alain ABSIRE

Sans pays



Parfois l’on naît du côté de la misère, dans un pays où vivre est une épreuve, un combat quotidien. L’exil est le dernier espoir. Les illusions d’un monde meilleur donnent l’énergie de poursuivre, de combattre encore. Combien d’Africains, de Maghrébins, d’Haïtiens, d’Asiatiques… débarquent sur le sol français avec pour seul objectif de travailler, de survivre avec leurs proches même si leurs illusions deviennent vite désillusions : « La francophonie est un bel habit, il ne suffit pas de l’enfiler pour être couvert ». La France, depuis quelque temps, leur fait bien sentir que résider ici n’est pas permis à tout le monde.

Alain Absire témoigne dans son roman, Sans pays, du vécu au quotidien de tous ces exclus avec ou sans papiers qui vivaient dans le squat de Cachan. Confrontés à la politique d’« d’immigration choisie » de Nicolas Sarkozy, ils réalisent qu’ils ne sont pas désirés. Qu’ils soient des être humains avec des aspirations de sérénité, d’amour, de famille, de travail, de reconnaissance ne peut-être pris en compte par les nouvelles lois : « On venait confiants, avec les certificats de scolarité et les assurances pour rentrer en CM2 et en CE2, gémit la pauvre femme. Mais on n’a pas pu parlementer. On répond à tous les critères, on parle bien le français ! Pourtant, ils nous ont renvoyés. Ils ne veulent pas entendre ce qu’on a à déclarer. Ils nous disent : "Si tu aimes la France, prouve-le !" Mais mon grand-père, il est mort pour la France, et nos enfants, ils sont nés ici, en France. »

Roséna, Haïtienne ayant obtenu un visa pour un an, vient en France pour continuer ses études et enseigner le français mais bien vite « Elle avait fini par assimiler son désir de faire son bonheur malgré elle à de la cruauté. ». L’accès à l’université lui est interdit. Elle travaille dans un hôtel. Sans contrat, il est impossible de faire respecter ses droits. Elle rencontre Souleymane, Ivoirien menacé de mort dans son pays et menacé d’expulsion par la France. Ils vont s’aimer malgré la peur mais rien ne pourra les protéger de l’application des lois qui veulent défendre « l’identité » française. Ils perdent tout droit à une existence décente : « On n’a plus d’identité, on est des sans-papiers pour toute la vie. On n’existe plus nulle part, ni en France ni ailleurs. »

Roséna et Souleymane vont vivre un temps dans le squat de Cachan mais, dans la hantise d’être arrêté, Souleymane va partir avant l’intervention de la police. La peur se vit au quotidien pour ces femmes, ces hommes, ces enfants : « Certaines associations ne sont pas d’accord avec le protocole. Elles craignent que le ministère de l’Intérieur, qui les a lui-même désignés, n’ait manipulé les négociations. "Qui va aller où ?" demande Cehina. On part, mais on a peur d’être éparpillés. Peur que les enfants ne puissent pas être inscrits dans les écoles des communes d’hébergement. Peur d’être trop éloignés de son lieu de travail. Peur que des logements définitifs n’arrivent jamais. Peur d’être jetés dehors, dès que journaux et TV auront trouvé un autre sujet d’actualité. »

Alain Absire montre bien en quoi l’inhumanité et l’application stricte des lois ne règlera pas les problèmes humains qui concernent actuellement notre planète. Rien n’est simple, c’est sûr, mais l’exclusion, l’intolérance, la délation ne règleront pas les injustices de notre monde. Vivre dans la misère est sans issue. Vivre en ignorant la misère et en voulant la refouler à nos frontières est aussi sans issue.

Brigitte Aubonnet 
(11/06/07)    



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Editions Fayard
270 pages - 18 €


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