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Nancy HUSTON

Reine du réel
Lettre à Grisélidis Réal



Voici un cri du cœur de Nancy Huston qui retrouve des proximités avec Grisélidis Réal (1929-2005) sur son parcours de vie, son rapport à la création et à l’écriture tout en évoquant les points sur lesquels elle a eu du mal à accepter certains des propos de cette femme étonnante, prostituée et militante, peintre et autrice, aux amours compliquées, mère, à vingt-neuf ans, de quatre enfants de trois pères différents.

« Après t'avoir longtemps méconnue et mal aimée – toi, Grisélidis Réal, prostituée, dealeuse, taularde, romancière, militante, mère, amante, amie, peintre et poétesse –, je te voue aujourd'hui une reconnaissance et une admiration immenses, te considère comme un des humains les plus lucides, joyeux, généreux et courageux à avoir foulé la surface de cette planète, et te proclame (sans une once d'ironie) REINE DU RÉEL. »

Nancy Huston retrace les évènements parfois douloureux qui ont marqué la vie de Grisélidis Réal qui, entre autres, a été emprisonnée en Allemagne et séparée de deux de ses enfants. Elle a peint en prison, elle a écrit des poèmes puis des romans, des textes sur les hommes qu’elle a rencontrés, sur le métier qu’elle exerce et qu’elle considère comme utile à la société.

Cette lettre de femme à femme, de créatrice à créatrice est émouvante de sincérité.

« Longtemps je t'ai détestée, Gri, car à mes yeux tu incarnais précisément cette soumission et cette veulerie féminines. On eût dit que tu acquiesçais à tout ce que les hommes te demandaient. Tu semblais n'avoir aucun problème pour incarner leur fantasme : la pute au grand cœur, celle qui aime ça, celle qui comprend les messieurs et ne les juge jamais, celle qui accepte avec le sourire leur tout et leur n'importe quoi. »

Nancy Huston parle aussi de sa propre vie et de son parcours d’écriture. « Je me reconnais bien là aussi, chère Gri. Je me dis que notre côté casse-cou n'est pas seulement l'effet classique d'un trauma d'enfance qui, en débranchant nos systèmes d'alarme, nous a poussées à nous mettre en danger. C'est aussi l'effet de notre faim dévorante d'histoires. Car... comment faire pour supporter une vie tranquille ? Comment faire pour y créer ? Nous l'avons appris à nos dépens : à quelque chose malheur est bon, et à quelque chose bonheur est mal. Nous estimons désormais que les plus à plaindre sont les femmes sans histoires, sans trajectoire, sans projet : les femmes qui s'ennuient. »

C’est une lettre touchante et violente, emplie de respect et d’humanité, où nous retrouvons avec plaisir l’écriture fluide et virevoltante de Nancy Huston.

Brigitte Aubonnet 
(21/07/23)    



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Nil éditeur

162 pages - 16 €




Nancy Huston,
née au Canada, a écrit plusieurs dizaines de livres (théâtre, essais, romans...) et obtenu plusieurs prix littéraires dont le Goncourt des lycéens, le prix du Livre Inter, le Femina...

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