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À peine avons-nous lu le titre que nous reconnaissons le trait d’humour, le goût des jeux de mots de Philippe Georget. Que ce soit par le truchement de son personnage principal ou de ses acolytes. Mais surtout, nous anticipons notre plaisir à retrouver le lieutenant Gilles Sebag, policier intuitif et malin, de même que la ville de Perpignan et les environs que la couleur du ciel et l’humeur de notre héros dessinent si bien dans ses reliefs et ses courbes. Entre mer et montagne. Mais cette fois le lieutenant, mari fidèle et père attentionné, est en proie à un doute affreux : il soupçonne sa femme d’avoir une aventure. Et lorsqu’il découvre, un peu par hasard, un message sur le portable de celle-ci – « Il sentit comme une déchirure dans son ventre, une fissure dans sa vie. » –, il lui demande des explications. Claire lui avoue : « J’en ai eu envie, j’en ai eu besoin. C’est une histoire d’amitié qui est allée trop loin. » Pour lui affirmer ensuite que tout était terminé avec ce collègue et que son amour pour lui n’a pas été en cause. Lorsque le commissariat essaie de le joindre, Sebag, encore sous le choc, ne répond pas, il est parti sur les hauteurs de la ville, « à cinq cent douze mètres au-dessus de la mer et des hommes » pour respirer et réfléchir. Mais à son retour il apprend qu’il y a eu un crime, un "drame de la jalousie" comme pourront titrer les journaux. En effet, un mari a abattu sa femme, à bout portant, dans la chambre d’hôtel où elle retrouvait son amant. Sebag semble indifférent, détaché, sa curiosité comme sa sagacité semblent éteintes. Sa propre souffrance le promène de la révolte à la colère, et tout en croyant pouvoir résister avec l’aide de l’alcool, il laisse faire ses collègues, dont un, en particulier, assez jaloux de la réputation de Sebag, va en profiter pour faire cavalier seul. Heureusement son fidèle coéquipier reste vigilant. Parenthèse destinée aux lecteurs : l’existence d’un commentateur en coulisses : Dans ces pages, Philippe Georget, aborde par l’intermédiaire de Sebag une réflexion profonde sur le sentiment amoureux, sur les contradictions qui peuvent naitre d’un confort ou d’une sécurité conjugale. Il décortique ici ce qui peut se glisser entre les êtres pour semer doutes ou illusions, et ces propos et dialogues d’un réalisme convaincant sont ici un contre-point aux réactions violentes des criminels confrontés à des problèmes similaires. Habile croisement. Le coupable arrêté, l’affaire semble close. Reste un arrière-gout confus. Intuition ? Car la folie meurtrière va continuer : un individu se suicide en se jetant du haut de son immeuble, et l’on découvre, là-aussi, un mari trompé par sa femme. L’enquête ne semble pas receler davantage de mystère que la précédente… mais quelque temps plus tard, un autre homme séquestre sa femme et menace de faire sauter tout le quartier avec eux… Et c’est là que notre lieutenant retrouve son instinct, et le courage de discuter avec "le forcené". Il va même utiliser ce qu’il est en train de vivre pour convaincre l’homme. « Il sourit intérieurement. Il ne se reconnaissait plus. Lui d’ordinaire si secret parlait de lui à des inconnus. Et ça lui faisait du bien. Et il n’en avait pas honte. Ce n’était pas seulement l’effet de l’alcool et des vapeurs d’essence. Ce n’était pas seulement parce qu’il essayait d’éviter un drame. » Pendant ce temps-là, son collègue relève quelques points qui l’intriguent. « Deux amis, l’un victime, l’autre auteur, à quelques jours d’intervalle seulement, d’un drame conjugal ayant pour origine la trahison de leurs épouses. Et l’un de ces types au moins avait tout appris par une dénonciation anonyme. » Coïncidence ? Philippe Georget nous livre là un roman sensible, où la psychologie des personnages est soutenue, les actes analysés, où il nous propose un regard personnel sur ces histoires d’amour ou de haine, la plupart du temps simplifiées au bénéfice du suspense. Mais justement cet auteur sait raconter l’intelligence des personnages, et nous parle de leur humanité, celle qui peut parfois dégraisser les impulsions les plus sombres. L’humour est là aussi, par petites touches et pas seulement dans le titre. Et si le thème, sérieux, s’articule parfois avec le dérisoire, les remarques caustiques démontent les constructions vengeresses. L’enchevêtrement est astucieux, le "dénouement" des différents fils, ici bien intriqués, devient savoureux. Anne-Marie Boisson (07/11/15) |
Sommaire Noir & polar Editions Jigal (Septembre 2015) 352 pages - 19,50 €
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