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Marie DARRIEUSSECQ


Fabriquer une femme


Dans les livres de Marie Darrieussecq, il n’est pas rare de retrouver trace des mêmes personnages. C’est le cas de Solange, que l’on avait quittée à l’adolescence dans le roman Clèves, puis retrouvée à l’âge adulte dans Il faut beaucoup aimer les hommes. Mais c’est aussi le cas de Rose, la meilleure amie de Solange dans Clèves, l’amie effacée dont on mourait d’envie de découvrir le futur.

Voilà qui est chose faite grâce à Fabriquer une femme, où les destins de Rose et Solange sont réunis. Les trois livres forment ainsi un triptyque, même si chacun peut se lire de façon autonome. Ou à rebours. Ou dans le désordre. L’intérêt sera toujours le même : nous révéler ce que signifie grandir lorsqu’on est du sexe féminin.

Avec son style habituel, ciselé, direct et gorgé d’humour, avec cette voix simple qui la caractérise et cette façon toujours aussi pétillante de faire avancer les actions, le temps, les pensées donc les êtres, Marie Darrieussecq réussit comme jamais cette révélation. Car on y est, oui on y est dans la vie de ces deux jeunes filles puis femmes. On est avec elles et même en elles, comme le sont les sexes des hommes qui les pénètrent mal ou à peu près, ou comme le sont les mains des médecins qui les fouillent pour en sortir un nouveau-né. On est dans leur corps, leurs entrailles.

Que deviennent des corps ainsi explorés ? Vers quels choix de vie conduisent-ils ? Quels seront les choix de Solange et Rose ? Avec son art de la psychologie et sa connaissance de la sociologie, Marie Darrieussecq les fait se confronter à d’inévitables paradoxes, ceux à partir desquels elles vont bien être obligées de se construire.

Leur histoire est racontée en trois parties. L’on suit d’abord le parcours de Rose, dans un récit où apparaît Solange du point de vue (envieux) de Rose. L’on suit ensuite le trajet de Solange, dans un récit où Rose apparaît du point de vue (ambivalent) de Solange. Puis une dernière partie les rassemble, ou plutôt les confronte : deux planètes qui s’opposent, deux femmes que seule l’enfance rapproche encore.

Leur écart est pourtant ténu. Après tout, elles sont femmes l’une et l’autre. Mais ce qu’elles ont vécu dans leur corps, dans cet intime qui façonne les identités, à cet endroit-là elles diffèrent. Elles sont femmes, oui, mais de quelle fabrique ?

Lectrices et lecteurs iront plus facilement vers Rose ou vers Solange en fonction de leurs choix et valeurs. Ou de leur corps. Car, que l’on soit hommes ou femmes, on ne peut lire Fabriquer une femme sans penser à sa propre construction. Marie Darrieussecq nous touche donc une fois encore au plus profond… de ce que nous sommes. Ou ne sommes pas. Ou croyons être. Ou refusons d’être. Ou…
Un roman ô combien nécessaire.

Isabelle Rossignol 
(25/01/24)    



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Lectures








Éditions P.O.L.

(Janvier 2024)
336 pages - 21 €





Marie Darrieussecq,
écrivaine et psychanalyste,
a obtenu le prix Médicis pour Il faut beaucoup
aimer les hommes
.






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