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Marie DARRIEUSSECQ


Notre vie dans les forêts


Marie Darrieussecq nous a habitués aux fables un rien fantastiques et on ne s’en lasse pas. Cette fois, elle met son art au service du sociétal ou de l’utopie d’un nouveau monde dans lequel l’humain serait réduit à son aspect strictement clinique. Hommes ou femmes, nous sommes faits d’organes et de cellules et que se passerait-il si nos cellules dominaient le cycle de la reproduction ?

C’est ce monde que Notre vie dans les forêts met en scène. Ce monde ou, pour mieux dire, cet après-monde puisque la narratrice raconte après coup ce qui a eu lieu. Dans un journal qu’elle parvient à écrire au creux du refuge que lui offrent les arbres, elle tient à noter ce qu’elle a vu et finalement compris.

Elle est entourée d’autres réfugiés dans son genre, qui ont fui pour échapper à l’avenir qu’ils n’imaginaient pas et pourtant. Pourtant le pire se produisait chaque jour. Non pas le clonage pur et simple. Plutôt la création d’une société où le but était de dépouiller l’humain pour créer de nouvelles créatures. Un monde que nous reconnaissons sans peine, fait de puces glissées sous les peaux et de robots formatés pour diriger l’humanité.

Mais le dire ainsi pourrait peut-être laisser croire que Marie Darrieussecq s’est lancée dans un livre critique ou un roman d’anticipation. Pas du tout. Le roman ne fait que suggérer, ne déflore que peu à peu l’horreur. Une horreur qui ne dit jamais son nom et qui n’en est que plus puissante. Plus intime aussi ; comme l’est d’ailleurs le récit lui-même, relaté sous une forme de journal qui draine oralité et urgence de tout révéler.  

Par cette forme, nous plongeons dans la conscience de la narratrice si bien que le roman se lit avec avidité. On veut savoir, on veut comprendre. On est cette narratrice qui lutte contre le temps et cherche à survivre grâce aux mots, les seuls résistants.

Mais pour combien de temps encore ? Là aussi, il y a urgence. Il semblerait bien en effet que d’aucuns veuillent réduire la langue à sa plus sommaire expression. Heureusement, dans le monde réel, la littérature veille. Marie Darrieussecq veille. On ne peut donc que la lire avec le plus grand intérêt. Et avec le plaisir de retrouver sa plume toujours aussi vive, aussi fine, aussi précise.

Isabelle Rossignol 
(28/09/17)    



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Éditions P.O.L.

(Août 2017)
192 pages - 16 €



Marie Darrieussecq,
écrivaine et psychanalyste,
a obtenu le prix Médicis pour Il faut beaucoup aimer les hommes.


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