Un fait divers à l’état brut inaugure ce roman puisque le préambule n’est autre qu’un procès-verbal. Pas de doute, nous sommes bien dans un polar. Quelques pages plus loin, nous faisons la connaissance d’un certain Maël Mac’herig, profileur médiatique, consultant en criminologie, de retour en Bretagne après des années à exercer en Russie. Entre ses mains, le journal intime d’un jeune homme de 25 ans disparu dans des conditions étranges. Les recherches ayant été abandonnées par la police, l’affaire est reprise par Mac’herig à la demande des parents du disparu, Christophe R., étudiant solitaire et fantasque, passionné de magie et d’occultisme comme en témoigne sa thèse interrompue.

Le journal de Christophe est comme un long cauchemar consenti. Parti à la recherche de Linoï, créature méchamment féerique, ensorcelante à coup sûr, il semble errer dans une sorte de jeu de l’oie, harcelé par un lutin. Au cœur d’un univers fantasmagorique, il croise de drôles de créatures comme le Rat aux yeux clos ou la Sorcière au tambour et semble souffrir de maux de tête et de problèmes d’audition. Une plongée dans la folie ?
A ce stade, Mac’herig subodorait la vaste blague, le canular d’un étudiant en merveilleux saoulé à mille ivresses divines : démons de l’Attique, petit peuple celtique, génies scandinaves, esprits chamaniques de Sibérie, bestiaire magique des Dogons… pas une mythologie qu’il n’ait disséquée, cataloguée, pour les beaux yeux de la Faculté.

Pour retrouver la trace de Christophe, le profileur a recours aux grands moyens et profite de sa notoriété pour lancer un appel à témoins sur « Le Kanal », une radio locale spécialisée dans les bizarreries culturelles et sociétales. Après avoir éliminé les témoignages fantaisistes, Mac’herig retient celui d’une octogénaire qui affirme avoir logé Christophe et semble persuadée qu’il appartenait à une secte satanique.

AK éditions jusque-là spécialisées dans le beau livre et le livre jeunesse sur la féerie (voir nos articles sur Lutins en milieu urbain et Petit bêtisier féerique du même Renaud Marhic) viennent de créer une collection de romans contemporains pour adultes, Polar Grimoire, avec la volonté de faire cohabiter intrigues policières et légendaire féerique, un peu à la manière d’Eugène Sue, de Charles Nodier ou de Gaston Leroux.
Mêler le féerique et le roman noir peut sembler le comble du paradoxe. En effet le monde de la féerie n’admet pas de dénouement rationnel car « le mal » est le fait des dieux ou des enchanteurs, alors que l’on espère une solution en réponse à une énigme policière. Ici Renaud Marhic opère un tour de passe-passe dont on ne révélera rien mais qui permet jusqu’au bout la collusion des genres.

Ce roman, véritable promenade dans l’Imaginaire, réjouira les amateurs de mystères en tous genres, les accrocs aux jeux de rôles, les mordus de vieux bouquins et les lecteurs aimant s’évader en des contrées plus obscures qu’une plage des Seychelles.

Patricia Châtel 
(15/05/07)