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Agnès DUMONT


Je ne dis jamais non


Huit nouvelles courtes où cinq narratrices et trois narrateurs, confrontés à un choix déterminant pour leur avenir personnel ou professionnel, hésitent, par pudeur, timidité, peur de l’erreur ou crainte des conséquences, à quitter leur zone de confort.

Alice, enseignante de cinquante ans aux aspirations inassouvies d’écriture, part en Grèce sur un coup de tête sans prévenir son établissement, ni la maison de retraite où vit sa mère atteinte d’Alzheimer, ni sa fille déjà adulte. Elle a aussi éteint son téléphone portable pour ne pas être dérangée. Est-ce une simple fugue, la manifestation d’un burn-out ou le besoin de reprendre sa vie en main ? Si elle-même ne le sait pas vraiment, une rencontre de hasard pourrait bien lui souffler la réponse.   
Bernard, cinquantenaire discret récemment quitté par son épouse, s’ennuie au travail et supporte mal la routine quotidienne dans laquelle il s’englue chez lui. Décidé à rompre son isolement, il teste diverses activités et tâte du bénévolat dans des associations d’aide à la personne pour redonner du sens à sa vie. Luc, un collègue encombrant s’en mêle...
Catherine, septuagénaire timide et introvertie, vit à la remorque d’une vieille amie fantasque qui dévore la vie à cent à l’heure. Un atelier de Kasàlà (parole libre) où cette dernière les avait inscrites avant de lui faire faux bond à la dernière minute va changer sa vie…
Odile, quarantenaire manquant d’assurance, se fait fuyante dès qu’il lui faut exprimer son avis. Alors qu’elle se remet avec difficulté d’une rupture amoureuse, un nouveau DRH vient d’arriver dans son entreprise provoquant un stress généralisé chez tous les employés. Quand chacun y va de ses premières impressions, elle se tait. Peut-être est-ce justement ce silence qui pousse une jeune stagiaire abusée par ce supérieur à se confier à elle. Odile décide, à sa façon, de l’aider...
Au parc public, Kevin, agent de sécurité musclé et tatoué, détonne. Les mères surveillant leurs petits observent avec méfiance ce molosse taiseux qui joue le baby-sitter. Marion, sous prétexte de goûter partagé, décide de son côté d’aborder ce jeune balèze fort à son goût. Au cours de son monologue, elle lui apprend innocemment qu’elle connaît Jenny, la mère du gamin qu’il surveille. Marion dit-elle n’importe quoi pour se rendre intéressante ou serait-ce Jenny dont il est amoureux qui en lui demandant de garder quelques heures son neveu pour la dépanner, lui aurait menti ?
Louise, 72 ans, se réjouit par avance de cette opération de la hanche qui, avec les séances de rééducation venant compléter l’intervention, va lui offrir l’opportunité de séduire ce kiné charmant qui lui a tapé dans l’œil. Le peignoir en soie de sa jeunesse remonté de la cave pour cette occasion et ses mules à talon en fourrure rose suffiront-ils à y parvenir ?
C’est sur le conseil insistant de sa mère que Max s’est inscrit à la salle de sport afin de perdre ses kilos en trop. Le jeune homme séduit par l’atmosphère détendue qu’entretient avec une bienveillance souriante le coach Rocky suit son entraînement avec assiduité. Il tombera des nues le jour où…
Alix, quand elle découvre la liaison de son mari, part en claquant la porte. Pour ne pas alarmer ses deux gamines, elle transforme cette fuite du foyer familial en petites vacances entre filles. Mais si l’auberge campagnarde où elle s’est arrêtée pour quelques jours possède tous les atouts pour plaire aux petites, le cadavre de l’adolescente chargée de l’accueil qu’elle découvre dans les toilettes risque fort de compliquer leur séjour. L’enquête menée sur place par une inspectrice pointilleuse lui laissera-t-elle ce temps de la réflexion qu’elle était venue chercher ?

Femmes ou hommes, jeunes ou vieux, valides ou handicapés, les personnages sont dans Je ne dis jamais non nombreux à se croiser. La narratrice ou le narrateur de chaque nouvelle a souvent une ou un comparse comme Sylvie la meilleure amie de Catherine dans Zone de confort, Jenny pour Kevin dans Single, Clara pour Louise dans La prudence de la crevette... Mais ce n’est pas ce proche mais un personnage extérieur ou les circonstances qui vont faire sortir les protagonistes de leur zone de confort et serviront de révélateur aux personnages dont le récit, à la première ou à la troisième personne mais toujours partiellement introspectif, nous permettra de pénétrer directement l’intimité. L’écriture fluide, humoristique ou tendre de ces récits courts et vifs permet à Agnès Dumont de camper en quelques phrases non le physique de ses personnages ici accessoire mais leur caractère, en nous les rendant rapidement familiers tout en leur conférant une dimension universelle.
Si la majorité de ces nouvelles s’inscrivent avec réalisme dans un quotidien qui nous est proche, la plus longue d’entre elles qui vient clore le recueil (La nouvelle vie), est quant à elle un clin d’œil malicieux à la littérature policière puisqu’elle s’inspire directement des enquêtes à huis clos du détective belge Hercule Poirot créé par la célèbre romancière et nouvelliste Agatha Christie. 

La diversité des narrateurs et des situations permet à l’autrice d’éviter toute redite ou uniformité sans nuire à la cohérence du recueil et en renouvelant ainsi constamment l’intérêt du lecteur. Si chaque nouvelle fait écho en la complétant à la même problématique selon la même  dynamique (se fondre dans la masse et parallèlement se replier sur soi et s’enfermer dans une zone de confort pour, dans ce positionnement d’éternel spectateur en marge de la vie, oser soudain braver les doutes et la peur pour affronter le regard d’autrui, entrer dans le jeu et en devenir acteur), chaque nouvelle construite autour d’une personnalité originale à l’histoire singulière y ajoute sa propre note de drôlerie, de mystère ou d’émotion. L’occasion aussi pour l’autrice d’y glisser des thématiques très actuelles comme les liens toxiques entre sexualité et subordination en entreprise, le désir ou non d’enfant, le besoin de trouver un sens à son travail, l’importance de se connaître soi-même et de bien habiter son corps, l’apport personnel du bénévolat qui permet d’être à la fois utile aux autres et à soi-même et plus généralement celles du vieillissement, de l’exclusion et de la solitude.

Fort paradoxalement, et c’est là le tour de force d’Agnès Dumont, ce recueil centré sur la difficulté à s’affirmer face aux autres et de trouver sa place dans la société, n’a rien de démoralisant. La bonne humeur, l’énergie, l’humour et la tendresse que l’autrice insuffle si généreusement et malicieusement dans ces tranches de vie, son goût prononcé pour les fins suspendues laissant entrevoir un espoir possible ou les chutes surprenantes et résolument positives, ont vite fait d’abattre les murs dans lesquels les personnages s’enfermaient et d’ajouter des couleurs et des sourires à leur avenir et à ces nouvelles. Le cheminement entre la première phrase du recueil « Elle peut mourir tranquille » et la toute dernière « Un bon point de départ pour commencer une nouvelle vie » en est une parfaite illustration. Un antidépresseur respectueux de la santé et efficace.       

Dominique Baillon-Lalande 
(30/01/23)    



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Agnès DUMONT, Je ne dis jamais non
Quadrature

(Décembre 2022)
126 pages - 16 €

Version numérique
9,99 €














Agnès Dumont
vit et travaille à Liège.
Je ne dis jamais non
est son cinquième
recueil de nouvelles.




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