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Alexandre SEURAT

Petit frère


Dès les premières pages, le narrateur est confronté à la mort de son frère à l’issue d’un parcours chaotique. L’alcool et la drogue n’ont pas suffi à atténuer ses souffrances, son rapport difficile au monde et à la vie qu’il évoquait dans des carnets où il notait toutes sortes de pensées. Le narrateur culpabilise de ne pas avoir su ou pu lui parler.

Dans la chambre de son frère, il trouve un carton avec tous les carnets.
« Il est très lourd, je le soulève, j'ouvre : ses dizaines de carnets, serrés les uns contre les autres. Sur une feuille arrachée, posée sur ceux du dessus, il y a cette phrase : Si quelqu'un lit ces mots, ce doit être que je suis déjà mort. Bienvenue dans l'univers de mes carnets. Cette gifle. Imaginer le moment où mon frère range tous ses carnets dans le carton. Il les aligne les uns contre les autres, pose soigneusement dessus la feuille qu'il adresse à qui les trouvera. C'est fini : ses carnets sont achevés, archives qu'il a classées une fois pour toutes. Il écrit le dernier mot et le dépose – avant de refermer le carton. Et quand mon frère se couche, cette masse de mots reste tout près de lui, dans le silence. »
Le narrateur veut comprendre comment, pourquoi personne n’a pu empêcher cette inexorable dérive.

Le roman alterne alors les extraits des carnets et les souvenirs d’enfance du narrateur parce que les « problèmes » du frère ont commencé très tôt.
Il était pourtant d’une beauté « foudroyante ». « Pendant des années, au-dessus de la télévision, est accroché un agrandissement immense d'une photo de lui à quatre ans : son sourire lumineux, ses yeux très clairs. Mon père l'avait prise l'été, on devinait des arbres au fond, mais on ne voyait que le sourire rayonnant de mon frère d'une beauté presque abstraite, son regard vif, incandescent – qui ne se préoccupe pas de l'objectif. Quand on entrait dans le salon, on ne voyait que ça. (Mais à un moment de l'adolescence de mon frère, mon père enlève la photo.) »
Beau mais déjà difficile à comprendre et à supporter. Dès l’école maternelle, on parle « de sa violence, de son hyperactivité, de ses troubles de l'attention et de la concentration, de sa boulimie. »

La mère l’emmène consulter toutes sortes de spécialistes, sans jamais obtenir les résultats espérés. Pour elle, c’est un problème médical, elle veut le « soigner », le « guérir ».
Le père, lui, ne dit rien. Jamais. Mais il signera tout de même une demande d’hospitalisation d’office quand la situation deviendra « insupportable ».

On découvre peu à peu le fonctionnement complexe de cette famille construite avec ses drames comme le décès à quelques mois d’un enfant trisomique avant la naissance du narrateur et le mal-être de son frère qui a l’impression d’être né pour le remplacer. « Ça fait bizarre d’être né pour remplacer un mort. »

Il y a des scènes très belles de complicité entre les deux frères mais elles ne durent jamais longtemps et chacun retourne à son quotidien, sans qu’une vraie communication ait pu s’installer. « Par instants, son regard se perdait, il ne répondait pas à mes questions, il se contentait de sourire, T’inquiète mec, tout va bien. »
Il y a aussi les tentatives pour échapper à ses angoisses ou les exprimer : l’écriture, le théâtre, la peinture… Mais l’alcool et la drogue prennent toujours le dessus.

Après La maladroite et L'administrateur provisoire, Alexandre Seurat réussit encore un roman très fort, plein d’émotions, de violence et de tendresse, avec toujours cette réflexion sur la responsabilité et la culpabilité, individuelles et collectives, qui fait écho à cette phrase de Sartre : « On est responsable de ce qu’on n’essaie pas d’empêcher ». Mais essayer ne permet pas toujours d’y parvenir. Et la culpabilité persiste…

Serge Cabrol 
(23/10/19)   



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Lectures







Alexandre SEURAT, Petit frère
Rouergue

(Août 2019)
144 pages - 17,50 €










Alexandre Seurat,
né en 1979, enseigne la littérature à l’université d’Angers. Petit frère est son quatrième roman.





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la premier roman
d'Alexandre Seurat :

La maladroite

L'administrateur provisoire