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Un roman sur la maltraitance inspiré d'un fait divers récent. La maladroite recompose par la fiction les monologues de ces témoins impuissants : grand-mère, tante, frère, enseignants, services scolaires, médecins, services sociaux, gendarmes… qui tous, à un moment ou un autre, ont suspecté les sévices dont la gamine âgée de huit ans à peine leur semblait victime sans parvenir finalement à la protéger et à empêcher ses bourreaux d'aller au bout de leur folie. Car c'est de bien ça qu'il s'agit : « la chronique d'un désastre annoncé, et l'incapacité de tous à arrêter le drame ». « Je voulais tout leur dire au numéro d'urgence, leur raconter depuis le début, mais tout était tellement compliqué et cette angoisse au moment de téléphoner, puis dans l'attente que quelqu'un décroche, ce sentiment de la trahir et la conscience de perdre à jamais peut-être la petite. Alors j'ai été vingt fois sur le point de raccrocher [...] Une voix féminine finit par me répondre, je dis un mot, ma voix est sourde, elle m'invite à lui expliquer, mais par où il faudrait commencer, j'essaie de lui expliquer mais je m'embrouille, j'en dis trop, pas assez. » (La grand-mère) « La seule chose qui ait compté pour moi, c'était de trouver un moyen de travailler avec Diana pour qu'elle parle, pour qu'elle m'aide à l'arracher à son désastre. Je me disais que sans Diana, je ne pourrais rien, parce que, sans confidence, nous étions condamnés à tâcher d'avancer à l'aveugle, à supputer, à exercer une pression sur des parents inaccessibles. » (L'institutrice) « Dans ce genre d'affaire, il faut surtout éviter de rompre les liens familiaux, être sûr de ce qu'on fait. [...] il fallait tout examiner [...], il importait d'être prudent. Peut-être que ce cas était grave, en effet, mais à ce moment-là nous n'avions pas les éléments. » (Le médecin scolaire) « Après en avoir discuté en équipe, nous avons convenu que leur besoin n'était pas un placement d'urgence mais un suivi régulier et un appui à la parentalité. Nous avons fait notre rapport. Quand nous les avons rappelés pour prendre rendez-vous, ils n'étaient pas disponibles en juillet parce que c'était leur mois de vacances mais la deuxième semaine d’Août, oui. [...] Je suis passé fin août comme convenu mais ce jour-là, Diana et son grand frère n'étaient pas présents dans la maison. » (L’assistante sociale) « Nous avons pris la décision d’écrire à l’Aide Sociale à L'Enfance : "des lésions cutanées ou lésions osseuses pourraient être secondaires à une maltraitance ou négligence". On nous reproche de ne pas avoir transmis l’information au Parquet, mais la responsabilité en incombe d'après nous aux services sociaux. Je précise qu'il n'y avait pas d'urgence vitale ni suspicion d'abus sexuels intrafamiliaux, cas dans lesquels le Parquet doit obligatoirement être saisi. » (Le pédiatre hospitalier) Le cloisonnement des différents services concernés, la pesanteur, les failles de la machine que nous découvrons peu à peu sous tous ses aspects, sont proprement stupéfiants.
Difficile d'aborder un tel sujet en déjouant le piège de la sensiblerie ou du scabreux mais ce jeune auteur s'en sort impeccablement sans donner l'impression de voyeurisme, grâce à la rigueur de sa construction et au parti pris de ne jamais évoquer les sévices dont Diana est victime, la mettant au centre du récit comme sujet mais jamais comme narratrice. Un récit en creux de la maltraitance sur enfant et de la cruauté au quotidien, nourri des silences de la victime, de celui des parents, de l'impuissance des témoins, sans pathos ni larmes, mais pudique et empreint d'une rage froide à peine contenue. Un linceul de mots tissé à la mémoire de la victime qui se double du constat amer de l'inefficacité des bonnes volontés individuelles face à une situation qui relève de la sphère familiale et de la lourdeur, la lenteur, des procédures sociales et judiciaires face à l'urgence de certains cas. Confronté à ce texte pudique et bouleversant, à des années-lumière du sensationnel et du mélodrame orchestré par les médias, le lecteur, bluffé par la maîtrise et la justesse dont témoigne l'auteur de ce premier roman, est saisi, révolté et bouleversé et se souviendra longtemps de Diana. Un auteur et un livre à découvrir absolument ! Dominique Baillon-Lalande |
Sommaire Lectures Rouergue (Août 2015) 112 pages - 13,80 €
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