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En 2044, dans le Sud de la France, au milieu des collines, il ne fait pas bon être restaurateur ou chef cuisinier. On risque de se retrouver noyé dans une marmite, pendu dans une chambre froide ou plus simplement mitraillé. Les assassinats vont bon train sous le soleil de Provence et leurs motivations font durer le suspense jusqu’à la fin du roman. Dès les premières pages, un meurtre est commis sous nos yeux. Un cuisinier, après des heures de préparation, s’apprête à goûter le résultat de son travail. « Il s'imaginait déjà mâcher ensemble la barbaque, les légumes et la sauce dont le mariage exploserait dans sa bouche en particules de plaisir et il fut bien avisé d'anticiper sa joie : poussé violemment par-dessus bord, il plongea tête la première dans le grand faitout et mourut avant de porter le délice à sa bouche, étouffé dans son chef-d’œuvre noyé de crème, bouillottant au milieu de morceaux d'épaule et de tendron d'un veau élevé avec tendre affection sous la mère. Comme quoi imaginer est primordial, vivre n'étant jamais tout à fait sûr. » Humour noir garanti, vous étiez prévenus… Qui est ce cuisinier ? Où était-il en train de mitonner son ragoût ? Pourquoi l’a-t-on éliminé ? Et qui avait intérêt à le voir disparaître ? Beaucoup de questions dont les réponses ne vont pas être simples à trouver… Les personnages principaux de ce roman sont d’une part un duo de policiers d’un service de contrôle alimentaire et d’autre part une restauratrice qu’on va peu à peu apprendre à connaître. Les deux policiers semblent n’avoir rien en commun. Anna Janvier, qui dirige l’équipe, est courte sur pattes mais haute en couleur. Dynamique et pleine d’énergie, cette petite dame replète et enjouée fait aussi preuve d’une gourmandise peu compatible avec sa fonction et sait fermer les yeux sur certaines pratiques clandestines pour mieux les ouvrir sur ce qu’on lui offre à manger. Son adjoint nouvellement arrivé de Paris, Ferdinand Pierraud, est un beau jeune homme un peu fragile qui ne supporte pas le soleil et fait un œdème de Quincke dès qu’il goûte un fruit. Leur duo assez improbable est évidemment un régal pour le lecteur. Lou, la restauratrice, est un personnage plus sombre. Elle a monté ce restaurant avec sa compagne, Nour, maintenant décédée. « Il était loin le temps où Nour et elle sautillaient de joie en constatant leur salle à manger de plus en plus pleine. Très loin. Depuis cinq ans, le temps était devenu un chewing-gum mou et sans goût qui collait aux jours et aux semaines. » Lou est aussi un personnage complexe dont on découvre le passé au fil des pages. Elle a été militaire en Afghanistan dans sa jeunesse, s’est mariée et a eu une fille, est passée par la case prison, une vie bien remplie qui n’a plus de sens depuis la mort de son amante. Elle continue néanmoins à se battre pour conserver le caractère gastronomique de son restaurant. Une série noire qui sait jouer sur les arômes et les saveurs, l’humour et le sérieux, dans un décor riche et ensoleillé, avec des personnages très attachants et une intrigue qui réserve bien des surprises et aborde d’autres sujets graves comme le sort des migrants fuyant la Syrie ou la spéculation immobilière qui n’est pas près de disparaître dans le Midi comme ailleurs… Serge Cabrol (03/06/19) |
Sommaire Noir & polar Gallimard / Série Noire (Mai 2019) 208 pages - 18,50 € Folio (Novembre 2021) 224 pages - 7,50 €
Chantal Pelletier, Bio-bibliographie sur le site de l'auteur : http://chantal pelletier.free.fr Découvrir sur notre site d'autres livres de Chantal Pelletier : Cinq femmes chinoises Et elles croyaient en Jean-Luc Godard Signoret ou la traversée des apparences |
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