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Jacques LAYANI

Des journées insolites


C’est un recueil tout en demi-teintes que nous offre ici Jacques Layani. Un peu inégal, sans doute, comme nombre de recueils, mais imprégné, dans les meilleurs textes, d’une sensibilité mélancolique servie par une écriture élégante qui sait se faire poétique. Attentif à des sensations évanescentes, l’auteur peut s’attacher à des anecdotes infimes, comme cette rencontre entre deux auto-stoppeurs (Auto-stop) qui nous laisse le goût doux-amer des amitiés inabouties. Beaucoup de ses personnages portent en eux, nourri par un long passé et ses illusions perdues, un mal de vivre discret, exprimé avec pudeur : «  Ce qu’il voyait et sa réflexion n’amélioraient pas, dans son esprit, l’image de ce monde où il vivait. Mais ce n’était qu’un désespoir quotidien. Trois fois rien. »  C’est à l’amour qu’ils doivent souvent leurs blessures les plus aiguës, témoins des textes comme Chagrin de Rochas, et surtout Ma plus belle folie, sans doute la nouvelle la plus longue et la plus émouvante du livre, où le narrateur, passant du vous au tu, et inversement, s’adresse à une très jeune fille pour lui avouer sa passion d’homme mûr, passion qu’il sait sans espoir et condamnée à l’inachèvement. L’écriture épouse avec délicatesse les vibrations du sentiment : « Je t’aime sur les bancs où s’écrit ton avenir, dans les salles où je t’imagine, dans les couloirs où va ton pas que je devine, lorsque je te ressens dans mon cœur.  Quand tu veux bien sourire, une fois tous les siècles, c’est le soleil et les mots qui me viennent sont des roses-fièvre. »  Cet amour brûlant et silencieux, la destinataire ne l’apprendra que beaucoup plus tard, quand les années en auront refroidi les cendres et que le narrateur osera lui envoyer « toutes ces lettres jamais remises, jamais postées (…) le seul lieu où je pouvais dire cette vérité que vous aviez dû deviner. Je vous aimais. »

Nombre de ces nouvelles dérivent vers le fantastique, telles  L’Homme mort, Le Promeneur, La route. Nous pouvons voir sous nos yeux des destins tout en grisaille se dissoudre dans le non-être, tel celui de Mortelecque (Mourir sans laisser d’adresse) qui  « vient boire là (dans le récit ressassé de son histoire), penché  sur son passé qui sourd, une eau croupie »  et qui finit tout simplement par « se fondre dans la nuit et dans son échec. » L’une des nouvelles les plus significatives est celle qui clôt le recueil. « C’était l’aube, blanche comme un bout d’enfance, prélude à une journée de printemps malade. »  Apparaît alors l’Homme gris, qui s’installe silencieusement dans votre chambre, avec son regard de commisération « infiniment triste. » « Je suis l’oubli, » prononce-t-il. Et l’on comprend que cet oubli est l’unique réconfort que puisse espérer cette humanité mélancolique qui habite le livre de Jacques Layani.

Sylvie Huguet 
(20/06/17)    



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Lectures








L'Harmattan

(Juin 2017)
132 pages - 14,50 €




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