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Bertrand RUNTZ

L’effroyable beauté de vivre


Treize nouvelles dans le style toujours dynamique de Bertrand Runtz qui allie très bien le drame et l’humour. Il décrit à merveille des scènes très douloureuses avec tant de cruauté que l’on éclate de rire. Mais il y a toujours beaucoup de respect pour les êtres, beaucoup d’amour et l’expression de la peine est toujours très délicate. Cela s’inscrit dans la suite de N’oublie pas de mourir où malgré de la douleur de voir son père atteint de la maladie d’Alzheimer l’humour demeure ce qui est un exercice de style toujours très périlleux mais très bien réussi par Bertrand  Runtz.

Plusieurs nouvelles jonglent avec le passé et le présent. Des petites madeleines personnelles aux personnages apportent la nostalgie que nous connaissons tous face à des lieux, des objets… qui rappellent ceux que nous avons aimés et qui sont morts ou ceux et celles qui nous ont quittés. Beaucoup d’hommes quittés expriment leurs sentiments au fil du recueil.

Une femme vend la GS bleue de son mari qui est décédé. Il y tenait tant… C’est une très belle nouvelle sur la vie de couple.

Un couple séparé garde les enfants en alternance mais ce sont les adultes qui changent chaque semaine et viennent dans la maison où vivent les enfants. C’est là que l’humour et le drame se rejoignent avec bonheur !

Une femme dans un café prend les sucres comme le faisait sa grand-mère. Le passé rattrape le présent.

Manger une poire peut devenir tout un art. Cette nouvelle est un très beau moment de lecture. « Tous les gourmets vous le diront : c'est impératif, il faut lui retirer la peau, la déshabiller, mais avec d'infinies précautions. Ne surtout pas risquer de la meurtrir entre des doigts par trop nerveux, par excès d'ardeur. C'est une dame délicate, une princesse endormie. Il faut la respecter. Prendre bien garde à ne pas l'offusquer. Sa chair est tendre et fragile. C'est une Précieuse, un rien peu la taler, lui marquer la taille. Aussi la main doit-elle se faire légère et prévenante, attentionnée, imperceptible. »

Une rencontre entre une vieille dame et un homme plus jeune peut être étonnante. « Je venais de franchir le seuil d'un autre univers, une dimension plus vaste et aérienne de l'existence, que rien, jusqu'ici, n'avait pu me laisser soupçonner. […]
Toutefois, quelque peu décontenancé et intimidé, je restais planté au milieu de la pièce. Sans doute je me trouvais également désappointé : qu'allais-je donc bien pouvoir faire, dorénavant, de mes bonnes intentions, ce scoutisme à deux sous ? J'avais l'air malin, moi, avec mon histoire de petit rayon de soleil... Je pouvais me la ranger dans la poche. Pliée en quatre. Et m'asseoir dessus ! J'avais tout faux. »

Un enfant peut faire n’importe quoi pour que sa mère s’occupe de lui et l’embrasse. Les rapports avec un père peuvent être très compliqués.

Les couples se séparent mais les souvenirs persistent à travers les objets comme Julien qui réparait tous les jouets de sa fille Clara. Un jour, après la séparation d’avec sa femme, il ne supporte plus de voir tous les jouets. « Plus qu'un ! Julien soupire. Il ramasse le sac posé entre ses pieds. Un peu plus tôt, il y a entassé pêle-mêle les jouets abîmés de Clara, en attente qu'il les remette en état. Il doit forcer pour arriver à le caser dans le coffre de la Twingo déjà plein à craquer. Soudain, un bras de poupée jaillit par l'ouverture, comme s'il cherchait à s'échapper. Julien s'interrompt et le repousse à l'intérieur.
Il ne supporte pas ce gâchis, cette façon de consommer sans plus jamais chercher à rien réparer. Aujourd'hui, dès qu'il y a un problème, au moindre accroc, on bazarde aux ordures. Et allez, hop! On remplace. On rachète. Made in China. C'est tellement,/ facile. Et puis il faut bien alimenter le système, faire tourner la machine... Là-bas, il paraît qu'il y a des enfants qui travaillent dans les usines, et alors? Pourquoi se poser des questions? Entre nous, qu'est-ce qu'on en a à foutre des petits Chinois? C'est des Chinois. »

Le jour de l’enterrement de leur père, trois sœurs vont être confrontées aux blagues que celui-ci faisait.

C’est un très beau recueil qui allie humour et émotions dans ces tranches de vie qui nous sont si proches.

Brigitte Aubonnet 
(24/08/16)    



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Éditions du Jasmin

(Mai 2016)
228 pages - 19,90 €






Bertrand Runtz,
né en 1963, photographe,
a publié trois romans et trois recueils de nouvelles.


Bibliographie
sur le site de l'auteur :
http://bertrandruntz.com/




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