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Philippe BESSON
Atlantique, ici le nom est devenu qualificatif. Dès la première page, le ton est donné : J'avais seize
ans quand j'ai perdu ma mère, dix-huit lorsque mon père est parti.
On pourrait parler de terrible malchance, de sort qui s'acharne. Oui, peut-être.
[
] Dans le nouveau roman de Philippe Besson, nous allons découvrir le vécu de cet adolescent, contraint de passer ce mois de juillet avec son père : Cette virée estivale était supposée sceller la réconciliation, ou au moins le rapprochement avec mon père [ ] Et tenter d'aplanir nos différents. "Repartir du bon pied" comme il l'avait programmé lui-même, avec une de ces expressions toutes faites que je déteste. Cette maison, la plage, les courts de tennis, la station balnéaire, deux personnes qui ont des comptes difficiles à régler. C'est là que tout s'est noué puis dénoué. Le garçon soupçonne son père, dans ce rapprochement obligé, de vouloir juste se munir du titre de père attentif, alors qu'il ne l'a jamais été, et ne sait pas s'y prendre. Oui, c'est le côté pratique qui l'a emporté, j'en suis convaincu. Il ne s'est pas rendu compte de ce qu'il faisait, du mal qu'il me faisait. Sinon, comment expliquer qu'il m'ait demandé de passer quatre semaines dans la maison où ma mère est morte ? Le décor est posé. Le mois de juillet commence lentement. Le
jeune homme, donne à son récit une première couleur de
solitude, de déception. Mon petit déjeuner je le prenais seul.
En guise de retrouvailles, je n'avais droit qu'à un partage d'espace.
Nous occupions un même lieu, lui et moi, mais nous menions deux existences
séparées. Désormais, je dois vous parler d'eux. Les personnages sont en place. Vacances, plage, séductions. Mais aussi des souvenirs, un passé. Se déroulent alors de petits évènements observés et racontés par le jeune homme avec une sorte de distance, de distanciation même, où vont percer la sensibilité de l'auteur et son talent pour dénicher et montrer les subtilités des sentiments que l'on pourrait qualifier d'ordinaires parce que décrits simplement. Des perles qui affleurent sous un sable banal. Car ce que l'on retrouve ici sous les mots du jeune homme, c'est la plume de Philippe Besson, celle qu'on reconnaît, avec ses phrases au rythme irrégulier. Et aussi sa façon de tisser un jacquard en montrant seulement certains fils derrière le motif présenté. La narration se poursuit. Le père invite à dîner le jeune
couple. Au cours de ce repas Raphaël nous a interrogés sur l'absence
de ma mère. [
] C'est mon père qui a répondu, autant
pour dissiper le malaise que pour évacuer le problème. Il n'a
pas hésité, pas biaisé. Il est allé droit à
l'essentiel. Et tout au long de son récit, le jeune homme, dont nous ne connaîtrons
pas le prénom (et celui de son père ne sera mentionné qu'une
seule fois) fait lui-même à l'aide de parenthèses, de certaines
phrases interrogatives, une sorte d'analyse non dénuée de fatalisme.
Car tout aurait pu se passer différemment, le drame évité,
si l'un ou l'autre des quatre personnages principaux mais aussi les autres,
secondaires, annexes avait joué sa partition différemment.
Des hasards, une souffrance, des désirs, une colère entretenue, un caractère qui ne se remet pas en question autant d'hypothèses que Philippe Besson prend un certain plaisir à nous laisser construire. Pour deviner ou comprendre ce qui pourra être déterminant. Comme dans l'un de ses précédents romans, Une bonne raison de se tuer, où l'auteur nous maintient, dans une sorte de suspense. En filigrane. Par qui, ou comment, le drame arrivera-t-il ?! L'histoire qui s'emballe, avec des petits évènements qui peuvent être seulement anecdotiques, ou bien au contraire les points justement visibles du tricot en train de se monter ? Rien que cela pourrait suffire à notre plaisir, mais ce qui nous "tient" encore ici c'est cette façon qu'a Philippe Besson de nous parler, de nous toucher directement, par sa finesse de l'exploration de l'esprit humain. Tragédie antique ? Fait divers ordinaire ? Peu importe : il s'agit
là de littérature. De la magie qui opère encore une fois,
quand elle s'insinue, l'air de rien, et nous capte. Ce plaisir de lire, de ressentir
dans cette architecture subtile, toute la poésie de ses lignes
Anne-Marie Boisson (23/01/14) |
Sommaire Lectures Editions Julliard (Janvier 2014) 217 pages - 19 €
Bio-bibliographie sur Wikipédia Découvrir sur notre site d'autres romans du même auteur : Une bonne raison de se tuer De là, on voit la mer |
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