Philippe LACOCHE

Les yeux gris


Boris, jeune critique de jazz, noctambule alcoolique à ses heures, change de vie quand il rencontre Jane. A ses côtés, il milite lors de la guerre d’Algérie et devient membre actif d’un réseau de porteurs de valises. La vie entre engagement et bonheur.
Mais un jour sa belle le quitte sans explication et, peu après, la mission qui lui est confiée en Suisse tourne mal. Il lui faut fuir.
Déstabilisé, pisté par un policier à Lyon, il cherche refuge dans une petite station thermale du Massif Central, auprès de Georges, ancien résistant, pièce maîtresse du réseau.
Parvenu à destination, celui-ci le prend en charge, lui trouve un travail discret dans un hôtel sous une nouvelle identité et Boris peut profiter de cette chaleureuse parenthèse pour se reconstituer. Mais la sollicitude amicale de Georges, les informations sur le présent du réseau et l’évolution de l’actualité politique qu’il lui rapporte scrupuleusement pour tenter de réveiller son engagement enthousiaste, la tendresse de la jolie et câline Betty, les ébats torrides et troublants avec Sylvie, la voluptueuse quinquagénaire, rien, ne parviendra à extraire le « veuf inconsolé » de ce passé dans lequel il s’est muré.
Boris, extérieur au monde, largué, ne parvient pas à exister et à trouver un sens à sa vie. Il lui faudra fuir à nouveau et retourner sur les traces des moments heureux partagés pour parvenir enfin à tourner la page et à se tourner vers son avenir.

Un livre surprenant qui n’est pas où on l’attend. Si le propos politique est bien présent, notamment dans les dialogues avec Georges, ce qui est au cœur de ce roman c’est avant tout l’amour et la relation de couple. Georges et sa compagne fantasque nommée « la Limande », Maurice, le propriétaire de l’hôtel habité par le souvenir si vif de Jacqueline, sa compagne défunte, et, bien évidemment, Boris et Jane, Boris et Betty, Boris et Sylvie, Sylvie et Marcel, Jane et Paul-Jean … Une valse des sens et des sentiments où les femmes, merveilleusement et sensuellement décrites, ont la part belle, quel que soit leur âge, leur rang social ou l’académisme de leur beauté.

On est ici devant la vie à hauteur d’homme avec sa jauge temporelle et son jeu permanent entre passé et présent pour aboutir au devenir et le lecteur se laisse embarquer avec grand plaisir à suivre les grappillages de mémoire des différents protagonistes.

En périphérie, toute une fresque d’individus entraperçus révélés en de petites tranches de vies savoureuses : Boris, Georges, Maurice, Betty, Sylvie, Jane, la Limande, mais aussi Guillaume Duby, jeune policier aspirant singulièrement à quitter la police pour le réseau, Manfred Toys, jazzman lumineux et condamné, Roger, historien amateur et par ailleurs restaurateur quasi-réactionnaire…

Dans ce roman, Philippe Lacoche, romancier, journaliste, parolier et amoureux de la musique, émaille aussi son roman de digressions nourries sur le jazz des années soixante, de quelques pages sur la peinture ou la littérature, de mélancoliques promenades en la baie de Somme.

Finalement, on s’attache à cet enfant du siècle partagé entre un amour dévorant, une morale individualiste et une conscience politique nouvellement acquise. Un personnage humain, trop humain, qui nous ressemble dans ses rêves et ses désespérances.
Un roman très dialogué, vif, sympathique et émouvant.

Dominique Baillon-Lalande 
(16/08/06)    



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Mille et une nuits
197 pages, 12 €





Philippe Lacoche est né en 1956 à Chauny, dans l'Aisne. Romancier, nouvelliste et parolier, il est l'auteur d'une quinzaine de livres. Journaliste (le Courrier Picard, le Magazine Littéraire...), il vit à Amiens, en Picardie.




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