Guillaume GUÉRAUD

La Brigade de l'Œil



Rush Island, 2037. La loi Bradbury interdit toutes les images depuis vingt ans sur l'ensemble du territoire. La propagande matraque : Les photographies sont nocives. Le cinéma rend fou. La télévision est l'opium du peuple. Les agents de la Brigade de l'Œil, les yeux armés du gouvernement, traquent les terroristes opposés à cette dictature. Brûlent les images encore en circulation et les pupilles de ceux qui en possèdent. Parce qu'un bon citoyen est un citoyen aveugle. Kao a 15 ans. Il ne craint pas les images. Elles le fascinent. Après le lycée, il traîne dans les rues de Badwords pour en distribuer clandestinement. Une rumeur circule : des films auraient survécu. Ils seraient enfouis quelque part dans l'île. Kao est prêt à risquer gros pour les sauver des flammes.

(4e de couverture)

Avec la loi "Bradbury", l’hommage a l’auteur de Fahrenheit 451 est explicitement assumé. Dans le best seller paru en 1953, la télévision envahissait le monde et les livres étaient brûlés. Ici, c’est l’inverse. L’image est un poison et seule l’écriture est sacrée. Le discours officiel de Rush Island est bien rôdé : « L’échec scolaire a pratiquement disparu depuis l’abolition de la télévision. Les élèves apprennent de mieux en mieux et de plus en plus vite. L’âge moyen pour obtenir le baccalauréat a considérablement diminué ces vingt dernières années ! Les jeunes d’aujourd’hui le valident désormais facilement à quinze ans. »

illustration de Jean LecointreCertains trouveront sans doute ce roman violent mais les amateurs des films de Besson (Nikita, Le cinquième élément…) ou des Matrix, seront séduits par l’univers impitoyable et extravagant créé par Guillaume Guéraud.
Cette île coupée du monde, devenue une dictature sans images dirigée par la séduisante et redoutable impératrice Harmony, est une belle trouvaille d’écriture et l’auteur peut s’en donner à cœur joie pour nous décrire cette micro société, ceux qui la servent et ceux qui la combattent.

Naturellement, toute oppression génère une résistance, toute prohibition incite au trafic, et les lycéens sauront s’attacher au personnage de Kao, le rebelle, qui défie le régime en colportant la marchandise la plus interdite, les images, qu’il récupère auprès de son fournisseur, Holden, le vieux gardien de cimetière aveugle.
Le cimetière est un lieu important du roman et Kao y fera une découverte étonnante.

Mais les risques de la divulgation des images sont immenses parce que la Brigade de l’Œil a tous les droits et que le capitaine Falk ne laisse rien passer.
Cet officier est aussi un personnage essentiel du roman et on apprend à le connaître au fil des chapitres. A la fois terrifiant et fragile, avec une faille qui le mine depuis plus de vingt ans, l’assassinat de sa femme sur une plage. Ses nuits sont peuplées de cauchemars, il ne peut trouver le sommeil sans narcotiques, et sa haine des terroristes est sans limite…

Par sa mère, Kao est nourri de souvenirs du cinéma.
Elle évoquait avec nostalgie la Cinémathèque. Elle racontait à Kao les films qu'elle avait pu voir autrefois. Elle lui décrivait des scènes entières.
Elle lui parlait aussi parfois de « la cinéphilie française » – et de Paris, la Ville lumière, « celle où l'on peut voir le plus de films au monde » s'enthousiasmait-elle.
Parce qu'elle avait fait une partie de ses études là-bas.
Avant – avant la fermeture des frontières.
Une époque désormais lointaine.

Elle a même projeté des films à la campagne, avant la Révolution.
Son mari et son père ayant été tués, elle élève seule son fils en travaillant maintenant dans une blanchisserie.

Mais Kao n’est pas seulement sensible au charme du cinéma et des images. Il est vite fasciné par Emma, la fille-coccinelle (tee-shirt jaune à pois noirs) rencontrée dès le début du livre. Leur histoire durera jusqu’aux dernières pages…

Bien sûr, il y a de nombreux autres personnages, plus ou moins attachants, sans oublier les lycéens fayots et délateurs que chaque lecteur reconnaîtra parce que, malheureusement, il n’y a pas que des Kao ; il y a aussi les autres, peureux ou serviles, qui permettent ou favorisent l’instauration et la pérennité des dictatures.

Il y a tout cela dans le roman de Guillaume Guéraud et donc – au-delà du plaisir (pour les amateurs d’émotions fortes) d’évoluer dans cet univers flamboyant – largement matière à réfléchir…

Serge Cabrol 
(08/10/07)    



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Jeunesse






Guillaume Guéraud
La Brigade de l'Œil

Editions du Rouergue
Collection doAdo Noir
408 pages - 14 €


www.lerouergue.com




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