Retour à l'accueil





Paul FOURNEL

Courbatures


Qu’est-ce que le succès ? Qu’est-ce que la célébrité ? A quoi cela tient-il ? Est-ce une réalité ? Est-ce inventé de toute pièce ? Qui détient la vérité ? Ceux dont on ne parle jamais ou ceux qui sont star d’un jour ou d’un peu plus ? La célébrité s’exprime de différentes façons. Parfois, l’on n’est célèbre que pour quelques personnes comme l’indiquent, en exergue de ce recueil, les propos de Raymond Queneau dans Loin de Rueil : « A Rueil il est très connu, à Nanterre et à Suresnes un peu moins. » Mais la célébrité, quel que soit son champ d’action, limitée au voisinage ou mondiale n’est pas si facile à vivre. Que de souffrances, de courbatures, de maux physiques ou psychiques pour se situer sur le devant de la scène, en haut de l’affiche ou sur la plus haute marche du podium ! Que de courbatures aussi quand on a connu la célébrité et que celle-ci a disparu comme une étoile filante.
Beaucoup de questionnements auxquels nous renvoie le recueil de nouvelles de Paul Fournel.
La douceur et la violence se côtoient comme pour ce boxeur, champion du Monde, qui doit assumer son succès et se fait attaquer par un chien qu’il affronte et ensuite va caresser.
La rudesse de la pêche va s’exprimer dans la violence de ce pêcheur d’esturgeon qui pour trouver un peu de douceur dans ses gestes passe par la violence avec sa femme.
Nous retrouvons l’ambiance d’un village, de ses bonheurs et de ses mesquineries, avec la veuve Wasserman déjà croisée dans l’un des précédents recueils de nouvelles de Paul Fournel Les grosses rêveuses.
Le sport est présent, avec le vélo peut-on supposer puisque c’est l’une des passions de Paul Fournel, dans la nouvelle Faire deuxième. Ce sportif s’interroge, comme plusieurs ont pu le faire dans Les athlètes dans leur tête, il ne s’explique pas pourquoi il n’est arrivé que deuxième : « Le problème était donc purement mental. Quelque chose en lui coûtait une demi-seconde. Il savait que les athlètes dans leur tête ont des trous secrets. Il pensait les avoir tous comblés, mais il en restait un. »
Un chanteur et une comédienne inventent une idylle fictive pour que les journaux people en parlent et réactivent ainsi leurs carrières.
Un footballeur prépare sa reconversion dans le rock.
Gagner le gros lot au loto peut être dangereux pour le conjoint du gagnant !
Le jour de son mariage est un jour de gloire mais sous la plume de Paul Fournel il a L’odeur du soufre : « C'était presque la plus vilaine mariée du monde. Il était content de se dire "presque" mais il pensait bien que c'était la plus vilaine mariée du monde. Emballée dans cette robe de dentelle qui la boudinait, avec ce voile qui lui dessinait une face plate aux pommettes hautes, avec ce maquillage qui la faisait vulgaire. Une face plate. »
Devenir un champion est à portée de main mais la chance passe et la désillusion reste.
La célébrité à la télévision ne tient aussi qu’à un fil : « Arrivé à la télévision par intrigue et influence familiale, il doutait que son travail de présentateur d'une petite émission de variétés à succès, facile comme un sourire, en soit vraiment un. Il doutait de l'intérêt réel et profond de sa personne et s'inquiétait parfois de sa légitimité, voire de son existence. Mais le succès était là, facile, l'Audimat flatteur, l'affection des mômes et des vieux. »
Les deux dernières nouvelles ont une structure très oulipienne pour cet auteur, Président de l’Oulipo.
La construction par petites touches se fait comme pierre à pierre pour cette gare Estación Guadalupe érigée au milieu de rien car « La bonne idée, c'était de construire la gare, et c'est lui qui l'a eue. Depuis tout petit, c'était lui qui dégainait les idées le plus vite. Cela ne m'a donc pas étonné. Dès que la gare a été construite, après qu'on a travaillé seize nuits et trois jours, qu'on a rasé les cactus, qu'on a soulevé le sable en nuages, qu'on a monté les moellons, qu'on a fait pousser ce bâtiment au désert loin sur la route de Puebla et, surtout, qu'on a accroché les lettres qui écrivaient "Gare" au-dessus du grand portail, les choses ont suivi le cours ordinaire des choses d'ici. »
La dernière nouvelle, intitulée Romans, en sept petits romans donne le point de vue de sept personnages sur la même histoire vécue et ressentie différemment par chacun d’eux. Une très belle approche du point de vue en littérature.
Un recueil très agréable à lire qui nous permet de croiser des personnages en quête de reconnaissance et de célébrité chacun avec son propre cheminement.

Brigitte Aubonnet 
(09/06/09)    



Retour
Sommaire
Lectures









Editions du Seuil

168 pages - 14 €







Né à Saint-Etienne
en 1947, président de l'Oulipo, Paul Fournel a été éditeur et attaché culturel. Romancier, nouvelliste, poète, il a publié de nombreux ouvrages pour les adultes et la jeunesse et reçu plusieurs prix dont la bourse Goncourt de la nouvelle (Les athlètes dans leur tête, 1988) et le Renaudot des lycéens (Foraine, 1999).



Vous pouvez lire
sur notre site

un entretien
avec Paul Fournel


et
des articles concernant
d'autres livres
du même auteur :

A la ville comme
à la campagne


Méli-Vélo

Chamboula