Mercedes DEAMBROSIS

Candelaria ne viendra pas



Une famille bourgeoise, odieuse, terrifiante comme sait si bien les décrire Mercedes Deambrosis nous saute à la figure. Nous sommes tout de suite dans l’ambiance. Les formules chocs nous prennent à la gorge dès les premières lignes : « Mon Dieu, quarante huit ans. J’ai attrapé quarante huit ans », pensa-t-elle. L’énormité du chiffre énoncé lui fit ouvrir les yeux. « Quarante-huit ans, c’est trop pour quelqu’un d’aussi jeune que moi… »

Le personnage féminin est dévorée par sa famille. Même "la fille", comme elle la nomme, vient de téléphoner pour prévenir qu’elle ne viendra pas faire le ménage. « A dix-huit ans ou soixante, toutes les femmes de ménage étaient "la fille". Cela voulait bien dire ce que cela voulait dire. »

Son mari est odieux : « Café ! La voix irritée de son mari lui parvint. » Il ne prononce même plus le prénom de sa femme qui doit seulement lui obéir sans perdre de temps. « Il s’approcha par derrière et lui posa un léger baiser sur les cheveux. Il s’écarta et lui claqua les fesses avec force. »

Ses cinq enfants sont exigeants. Ils demandent à avoir la salle de bains, à ce qu’elle leur prépare le petit déjeuner… et se liguent avec leur père contre elle : « Ce n’est pas une question de confiance, mais tu sais bien ce que papa pense... tu n’as pas de tête. »

Sa mère est envahissante, elle l’appelle, lui réclame des soins, elle se sent toujours mal, a peur de mourir et veut que sa fille appelle le médecin et qu’elle s’occupe plus et mieux d’elle.

Malgré sa vie de femme qu’elle sacrifie à sa famille, personne n’est content, personne ne reconnaît son dévouement. Elle est transparente et doit répondre à chacun sans qu’ils réalisent tout ce qu’elle fait pour eux. Un enfermement terrible que cette famille qui n’est que cris, mépris, reproches. La seule solution pour cette femme, la fuite, pour casser le carcan de la bourgeoisie où tout est immuable : « Passant devant le jardin botanique, elle réalisa qu’elle ne l’avait jamais visité, depuis son enfance il était fermé pour travaux. Elle s’acheta deux livres policiers d’occasion Cuesta Moyen et arriva à Atocha. Les gens la bousculèrent et comme elle s’arrêtait pour un rien, elle fut l’objet d’injonctions irritées, obscènes, injurieuses. L’odeur de calamar frit lui ouvrit l’appétit et elle entra dans une gargote, trouva une table contre le mur et, sans même enlever son manteau, commanda un casse-croûte de calamars, un autre de tortilla et deux bières. »

Après la mère dictatoriale de Milagrosa et la confrontation dans Un après-midi avec Rock Hudson de deux femmes dont l’une méprise l’autre car elles n’ont pas la même situation sociale, Mercedes Deambrosis poursuit la peinture de femmes et de familles madrilènes.

Marko Velk illustre de portraits sombres les mots durs des personnages. Ils sont tatoués par le noir de la vie de famille qui parfois n’est qu’un lieu de frictions. Les regards sont comme masqués, les formes des visages floues comme irréelles. Une belle collaboration entre deux artistes qui nous emmènent dans leurs univers.

Brigitte Aubonnet 
(10/06/08)   



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Lectures









Ed. du Chemin de Fer
60 pages - 12,50 €

www.chemindefer.org

Illustrations
de Marko Velk






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Juste pour le plaisir


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avec
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