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Claudine
SERRE


Éditrice chez Océan Éditions




Quel est votre rapport à l'écrit et aux livres ?
Depuis que je suis lectrice, les livres m'accompagnent, ils sont essentiels dans ma vie, ne pas avoir un livre prêt à lire est impossible. Petite, ils m'ont donné le goût de l'ailleurs, du voyage, l'envie d'explorer des univers, la connaissance des autres... L'écrit est un support idéal, on va à son rythme dans la compréhension, on peut y revenir, juste pour une page ou un chapitre.. C'est là tout simplement, à disposition, toujours… Le goût des mots bien choisis, jouer avec les mots, les combinaisons sont infinies... J'aime le monde de tous les possibles.

Pourquoi créer une maison d'édition ?
En fait, Océan Éditions existe depuis 1987, créée par un imprimeur de l'île de La Réunion, nous avons plus de 400 titres au catalogue. Océan Éditions publie originellement des ouvrages sur le patrimoine de l'océan Indien : histoire, politique, société, environnement... J'ai rejoint Océan Éditions en 2006 pour créer des ouvrages pour le grand public, en commençant par la collection Océan Jeunesse et des livres sur la faune des îles Mascareignes (Maurice, Rodrigues et Réunion), avec pour objectif de plaire à un public local mais aussi métropolitain.

Pourquoi éditer essentiellement des livres jeunesse ?
A La Réunion, il y avait peu d'ouvrages jeunesse, ceux qui existaient étaient du conte classique, peu de sujets actuels abordés et des illustrations très classiques. J'avais envie de proposer un autre regard avec des sujets universels, parfois ancrés dans la culture réunionnaise, pour aider les enfants à grandir et à réfléchir sur la vie, sur les bases des valeurs de l'île : métissage, respect de la différence, couleur, chaleur avec un défi faire connaître nos auteurs ou illustrateurs de l'autre côté de la mer... Ma rencontre avec Joëlle Ecormier a été déterminante pour donner le ton à la collection Océan Jeunesse. Puis concernant les ados, il n'y avait quasi rien, alors la collection Océan Ados est née en 2009, ouverte au roman et aux nouvelles, réaliste, proche de la vie, avec un premier recueil de Joëlle Ecormier "Je t'écris du pont".

Joëlle Ecormier a reçu de nombreux prix. Quel est l'apport pour la Maison d'Edition ?
J'aime son écriture, son univers, on s'accompagne mutuellement au fur et à mesure des collections qui naissent. Son style et son univers correspondent depuis le début au ton que je voulais donner à Océan Éditions, elle a été beaucoup récompensée tant en jeunesse (albums et nouvelles ados), qu'en roman adulte, c'est une belle reconnaissance pour son travail, qui rebondit sur la maison d'édition bien sûr. C'est un chemin qu'on fait main dans la main, pour un défi commun : prouver qu'on peut être publiée ou éditer à La Réunion avec une reconnaissance, ici et ailleurs. Ses récompenses donnent aussi une crédibilité à mes choix sur l'ensemble des titres, car les médias comme les libraires commencent à bien suivre notre production.

Vos ouvrages prennent position dans le monde contemporain en soulevant différents problèmes ou questionnements auxquels nous sommes confrontés. Comment choisissez-vous vos auteurs et les thèmes abordés ?
Je publie peu de livres par an (une dizaine), aussi mes choix sont guidés par mes coups de cœur, des rencontres avec des auteurs, qui ont des univers et une écriture qui me plaisent. Je ne décide pas des thèmes à aborder, je me laisse séduire par des textes. En général, j'aime que les thèmes touchent au cœur de la vie, des sentiments pour aider les enfants à aborder la vie, la société, et que le livre soit alors un pont entre l'enfant et les parents, un prétexte à discussion, à l'échange. L'humour n'en est pas exclu, la légèreté non plus, je ne veux pas faire de livres pédagogiques, ni moralistes mais des livres plaisir! Les textes peuvent être à double niveau de lecture, les parents lecteurs doivent se régaler autant que les enfants, d'autant que souvent l'enfant aime qu'on lui lise et relise son album préféré. Dans le choix des auteurs, tout part du texte et non pas en fonction de la notoriété de l'auteur, donc un premier texte est aussi bienvenu qu'un texte d'un auteur reconnu. D'ailleurs, cette année, j'ai publié deux nouveaux auteurs, Chiara Arsego (Colette) et Nathalie Meynet (Le chevalier au grand cœur), j'aime découvrir de nouveaux talents, tant en textes qu'en illustrations. C'est le rôle d'une maison d'édition, surtout d'une petite maison, la curiosité et l'ouverture doivent rester intactes.

Comment réalisez-vous le lien entre les écrivains et les illustrateurs ?
Chaque texte évoque un univers et me renvoie à un style graphique. Je fais alors une recherche d'illustrateurs dans les books que j'ai reçus ou je vais sur les blogs/site d'illustrateurs auxquels j'ai pensé. Je propose une petite sélection à l'auteur, on échange sur nos préférences, en général on se met très vite d'accord sur un ou deux illustrateurs que je contacte. Ou l'auteur me donne des pistes de style ou des noms d'illustrateurs, on en parle et on en choisit un à contacter. La discussion est toujours ouverte. Si l'illustrateur aime le texte, il fait une illustration-test sur le texte pour avoir une idée plus précise de son interprétation du texte. Et après on part sur le découpage en crayonné que l'on partage avant de passer à l'étape couleur définitive. J'adore cette étape rencontre auteur/illustrateur, c'est la magie des rencontres de deux modes de création, texte/image qui fera un album. Je tiens à ce que l'auteur et l'illustrateur soient en correspondance pour que chacun participe en harmonie à l'élaboration de ce "bébé" étape par étape, et que chacun soit satisfait du résultat.

Les illustrations sont souvent très colorées. Est-ce un désir au départ ou est-ce que cela correspond à des coups de cœur d'illustrations que l'on vous présente ?
Je pense que c'est un choix inconscient, j'ai toujours aimé les couleurs lumineuses, joyeuses. Vivant sur une île où la lumière est toujours présente, avec en permanence le bleu du ciel et de la mer, des verts de la végétation, je vais naturellement vers des illustrations colorées, et aussi j'ai envie de transmettre aux enfants la force et l'énergie des couleurs.

Vivre et éditer sur l'Ile de la Réunion donnent une identité particulière à votre Maison d'Edition. Quelles sont vos relations avec l'Edition en dehors de l'Ile de la Réunion ?
Au départ, je n'avais pas du tout de rapport avec le monde de l'Edition ailleurs, puis au fil des Salons, j'ai rencontré d'autres éditeurs, petits ou grands, ce qui m'a permis d'échanger nos expériences, d'apprendre aussi , de prendre la température du marché. J'ai de très bonnes relations avec des éditeurs en métropole, en Inde et bien sûr avec les éditeurs de l'océan Indien.

Participez-vous souvent à des Salons du livre ?
A la Réunion, nous avons la chance d'avoir une association interprofessionnelle, La Réunion de Livres, qui nous permet de participer à des Salons en métropole, soutenue financièrement par les institutions locales (DRAC, Région, Département). Comme nous sommes tous de petits éditeurs, il serait impossible pour nous d'investir et de rentabiliser un stand en métropole. Aussi, chaque année, sous la bannière "Éditeurs de l'océan Indien", nous participons à Étonnants Voyageurs à Saint-Malo, au Salon du livre insulaire à Ouessant, et au Salon du livre jeunesse à Montreuil. Océan Éditions, hors l'association, participe au Salon du livre de Paris, sur le stand du Ministère de l'Outre-mer, qui nous y invite gracieusement. Nous allons aussi à Bologne sur le stand du BIEF pour essayer de vendre des droits et en acheter.

Quels sont vos projets ?
Bien sûr continuer les collections existantes mais aussi les compléter en créant d'autres collections jeunesse pour des tranches d'âge différentes, afin d'accompagner les petits jusqu'à leur adolescence.

Quels sont vos rêves d'édition ?
Mon rêve, c'est d'étoffer la structure afin de publier plus de littérature adulte made in océan Indien…

Propos recueillis par Brigitte Aubonnet 

Mise en ligne : Mars 2011




Le petit désordre de la mer




Je t'écris du pont




N'oublie pas que je m'appelle Octavie




Lundi, petit Gaston
sera grand