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Liste des interviews





Association
Réparer le langage, je peux



Avec l’aide d’enseignants et d’écrivains, des collégiens et lycéens
écrivent et publient des romans collectifs.

Sandrine Vermot-Deroches, présidente de l’association, et Mercedes Deambrosis, romancière,
ont accepté de répondre à nos questions.



Sandrine Vermot-Desroches
Présidente de l’association


Quels sont les objectifs de l’association ?

L’Association Réparer le langage, je peux née en 2015 a eu pour objectif premier de lutter contre le décrochage scolaire par le langage lu, écrit et parlé et cela à travers un médium, le livre. Mais il ne s’agit pas du seul objectif. Par exemple, le choix de l’écriture collective, s’opposant à la conduite traditionnelle d’un atelier d’écriture, a pour but non seulement d’intégrer à ce dispositif des élèves en difficultés que l’écriture paralyse, mais aussi de stimuler l’esprit de solidarité. Le travail de groupe permet alors de s’écouter les uns les autres, d’entendre et d’accepter les idées de chacun, de se respecter. Progressivement et naturellement chacun va oser prendre la parole. En prenant la parole pour participer à l’élaboration collective du roman, l’élève gagne en confiance. Pour l’association, cette confiance est un point important de notre dispositif. La publication des livres, les signatures, la participation au Salon du Livre des Collégiens et des Lycéens conduisent les élèves à ressentir un sentiment de fierté et de réussite qui nourrit leur estime. Bien sûr à travers ce projet nous poursuivons cet objectif de la langue, faisant de cette écriture collective le terrain de l’appropriation d’un lexique plus varié, plus riche, plus précis. Nous poursuivons aussi cette quête de l’imaginaire aux portes de la littérature et de la liberté au lieu des images toutes faites qui envahissent les esprits. Et puis, il y a l’ultime issue, la réconciliation pour certains avec le livre, son usage, sa fréquentation ! Pour d’autres, l’envie d’écrire ! En 2018-2019, Mariangela Roselli, sociologue spécialisée dans les pratiques de lecture a suivi quatre classes et mené des entretiens. C’est à partir de ces matériaux qu’elle rédige un ouvrage pour raconter ce que le commerce régulier, répété et encadré avec des textes a généré chez ces adolescents.

Comment se fait le choix des classes, des écrivains ?

Bien que soient privilégiées les classes dont les élèves sont déclarés en difficulté avec l’écrit et la lecture, dans le souci de ne pas générer de stigmatisation, l’association s’ouvre à différents établissements du collège au lycée général et technologique. Comptant parmi ses participants, au sein du collège, des classes à profils particuliers tels les SEGPA et, au sein du lycée, des CAP et des classes de baccalauréat de filières professionnelles. Cette mixité offre une vraie richesse à la fois à l’intérieur des textes écrits et regroupés dans les recueils « Et Si ? », nom de la collection, et lors des Salons du Livre durant lesquels les romanciers collégiens et lycéens se rencontrent autour des histoires qu’ils ont écrites. Au demeurant, ce sont les établissements et les professeurs qui viennent à nous. Quant aux écrivains, excepté un petit groupe de départ, réunis autour de l’association, ce sont eux aussi qui se rapprochent de nous parce que le projet leur plaît. Notons que dans ce dispositif, le binôme que constitue l’auteur et le professeur est essentiel pour la dynamique du projet.

Sur combien de mois se déroule chaque projet ? Combien y a-t-il de rencontres et de séances d’écriture ?

Réparer le langage, je peux propose un dispositif d’écriture collective de roman. Cependant le projet ne s’arrête pas à l’écriture. Car de septembre à juin, les élèves vont connaître de multiples étapes et rencontrer différents acteurs de la chaîne du livre. L’écriture du roman collectif en elle-même se déroule de septembre à fin mars à raison d’une heure/semaine conduite par le ou les professeurs et de huit heures d’intervention d’un écrivain en classe. En mai les romans collectifs regroupés dans des recueils et dont la direction littéraire est suivie par Alain Absire sont publiés par l’association. Les élèves dédicacent alors leur roman en librairie et en médiathèque. En même temps, ils préparent leur intervention au Salon du Livre des Collégiens et des Lycéens où ils présenteront leur roman collectif. Cette année, le salon a dû être virtuel.

Combien d’écrivains et de professeurs sont engagés dans cette aventure ? Combien d’ouvrages ont été publiés ?
           
Depuis 2015, plus de mille adolescents ont eu la chance d’écrire leur roman collectif et de le voir publié. Un fois leur texte publié dans un vrai livre imprimé, leur fierté est immense. Cette année ce sont plus de 450 collégiens et lycéens en Ile de France, Orléans, Région Occitanie accompagnés par plus de 25 professeurs ! Ajoutons cette année la quinzaine d’écrivains dont certains sont fidèles au projet depuis sa naissance, Alain Absire, Mercedes Déambrosis, marraine de l’association, Fabienne Jacob, Rachel Corenblit, elle aussi présente depuis le début, Pauline Alphen, Stéphanie Hochet, Angélique Villeneuve… Sans compter tous ceux que nous sommes heureux d’accueillir parmi nous pour la première fois : Pascale Hédelin, Dominique Fabre, Marie Sellier, Carole Trébor… Nous remercions tous ces écrivains qui s’engagent auprès de ces jeunes parfois si éloignés du livre.
Depuis 2015, ce sont aussi plus de quarante romans collectifs écrits et publiés. Faisant entendre la parole des jeunes, ils constituent une trace élaborée de leur réception de lecture, de leur culture adolescente, des interrogations et des problématiques qui les occupent et les préoccupent. Dans cette grande voix collective, ils nous offrent des textes où se reflète merveilleusement la richesse des diversités culturelles qui font notre société.


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Mercedes Deambrosis
Romancière, nouvelliste



Quelles étaient vos attentes personnelles en tant qu’autrice ?
 
Si la première année, je n'en savais rien, le challenge me paraissait non difficile mais compliqué : faire écrire un roman collectif à des élèves de 5ème d'un collège "défavorisé", sachant toute la difficulté d'écrire à deux voire plus, tenait plus de la prouesse que d'autre chose. Et le miracle a eu lieu. La classe a écrit le roman entièrement. C'était magnifique.
Alors depuis, chaque année, j'attends ce nouveau miracle, constitué de beaucoup d'enthousiasme, volonté et travail de la part des élèves.
 
Comment s’organise la première rencontre avec les élèves ?
 
Elle se fait dans leur classe, avec leur professeur, initiateur du projet. J'agis en tant qu'enzyme pour ainsi dire. Je les pousse, les interroge, les bouscule (gentiment), les fait sortir de leur statut d'élève pour se transformer en écrivain. Je leur demande les thèmes qui les intéressent, les sujets, les sentiments qu'ils voudraient évoquer... tout se fait à la manière d'un puzzle, dont on créerait les pièces une à une.
 
Comment naît l'idée du roman ?
 
De ce puzzle... des désidératas des élèves, de cet échange vivant entre eux, entre eux et leur professeur, entre eux et moi. Et je note au tableau ces bribes, ces idées qui fusent. Une fois les thèmes généraux définis, nous passons aux personnages, qui sont-ils, comment sont-ils, puis à l'action... peu à peu un canevas se dessine. Les collégiens prennent note de ce qui a été retenu, car c'est leur outil pour pouvoir écrire. Ce sont eux qui écrivent, c'est très important, et je n'interviens pas dans la phase d'écriture (qui se fait individuellement ou en petit groupe, pendant et hors ma présence). Bien entendu je corrige, mais je n'écris pas.
 
Y a-t-il des thèmes imposés ?
 
Non, aucun thème imposé. Je pense que c'est l'une des belles caractéristiques de ce projet, liberté et responsabilité. Ils abordent tous les thèmes, même ceux qui nous semblent, à nous adultes très éloignés de leur univers d'enfants (à tort, hélas). Ainsi cette année, la classe où j'interviens travaille sur la violence faite aux femmes, la survie des Indiens en Amazonie, le changement climatique avec une note morale, presque mystique introduite par un soupçon de fantastique dans le récit.
 
Quel rôle joue le professeur dans l’écriture du roman ?
 
Essentiel. C'est le moteur du projet, si le professeur ne s'investit pas, c'est très difficile. Il fait écrire les élèves en dehors des interventions auteur, les pousse, les dynamise. Pendant les interventions, c'est lui ou elle qui tape à l'ordinateur ce que les élèves écrivent. C'est le relais essentiel entre la classe et l'écrivain, le projet et l'association. Car c'est un travail suivi dans le temps, avec des étapes, des documents de synthèse et des réunions.
 
Sur combien de mois se déroule la création ?

Cela se passe globalement entre octobre et fin mars. L'association a défini quatre interventions d'écrivain. Mais en pratique c'est à chacun d'évaluer ses possibilités, l'avancée du roman. En ce qui me concerne, jusqu'à aujourd'hui, et c'est le cas de nombreux de mes amis, je double le nombre de mes interventions.
 
Que dire de l'implication des élèves ?
 
Bien sûr elle n'est pas la même pour tous. Ce sont de très jeunes enfants, de milieu souvent défavorisé, leur implication est souvent proche de leur implication scolaire. Mais je dois dire que les surprises sont toujours là, et que selon les sujets, les années et l'avancée des récits, des jeunes s'exprimant peu ou pas se sont mis à intervenir, à écrire, à devenir de véritables moteurs du projet. Je n'ai pas rencontré jusqu'à aujourd'hui ni opposition, ni désintérêt.
Il y a toujours une formidable dynamique chez eux.
 
Depuis combien de temps participez-vous à ce projet ?
 
Je participe depuis trois ans à cette aventure. Et je ne le regrette à aucun moment.
 
Quels ont été les apports personnels dans cette expérience ?
 
L'émerveillement. Je suis chaque année émerveillée par la force, la persévérance, la volonté de ces enfants, leur capacité à aller vers autre chose, à écrire. Cela m'apporte beaucoup.
Sans compter la chance, car c'est une chance, de travailler depuis trois ans avec Emilie Absire, qui est à tout point de vue extraordinaire, sans elle, les romans écrits par les élèves n'auraient pas été ce qu'ils sont.
Et d'avoir pu rencontrer des gens formidables dans l'association qui ont su, par leur générosité, mettre en œuvre un tel projet.

Propos recueillis par Brigitte Aubonnet

Mise en ligne : Juin 2020







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http://reparerlelangage.fr










Collèges 1

 Liste des collèges :

Hubertine-Auclert
(Toulouse)

Collège Forain
François-Verdier
(Léguevin)

Jean-Moulin
(Toulouse)

Marengo
(Toulouse)

Jacques-Mauré
(Castelginest)

Daniel Sorano
(Pins-Justaret)










Collèges 2

 Liste des collèges :

Les Dînes-Chiens
(Chilly-Mazarin)

Saint-Exupéry
 (Paris)

Sophie Barat
(Chatenay-Malabry)

Jeanne D’Arc
(Orléans)










Lycées

Liste des lycées :

Lycée des Métiers
Abbé Grégoire
(Paris - Vème)

Lycée des Métiers
Eugène Monteil
(Colomiers - 31)

Lycée des Métiers
Georges Brassens
(Paris - XIXème)

Lycée professionnel
ISSEC Pigier
(Toulouse)

Lycée
Lucas-de-Nehou
(Paris – Vème)




































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quelques livres de
Mercedes Deambrosis :

La plieuse
de parachutes


Candelaria
ne viendra pas


Juste pour le plaisir

Rien de bien grave

De naissance

Le dernier des treize

L'étrange apparition
de Tecla Osorio