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Eduardo Fernando VARELA


Roca Pelada

Ce roman se situe sur le poste frontière du col de Roca Pelada, perché à 5000 m d’altitude, en pleine cordillère des Andes. D’un côté, la Garde-Frontière argentine sous les ordres du lieutenant Costa, de l’autre, les carabiniers chiliens de la Ronde des Confins, dirigés par le lieutenant Gaitán. Les deux hommes bavardent avec courtoisie mais pour les Argentins, les carabiniers chiliens sont des vautours ou des carabouffons. Il est probable que les Chiliens n’en pensent pas moins.
Dans ces montagnes de l’altiplano, tout est étonnant : les volcans, les incessants tremblements de terre, les éboulements de pierre et la lumière si particulière. « Le soleil flamboyant lançait des jets de métal fondu ». Le ciel est si proche, « à quelques kilomètres à peine au-dessus de sa tête, qu’on pouvait le toucher du bout des doigts. »
La nuit, le spectacle des tempêtes d’étoiles filantes sillonnant l’obscurité est fascinant : « des météorites qui laissent des sillages ardents de quelques secondes, mais avec une telle intensité que leurs traces s’imprimaient sur la voûte céleste. »

Vivre à 5000 m d’altitude n’est pas sans conséquence pour la santé des hommes ; ivresse des sommets, hallucinations, mirages sonores, surcharge en électricité statique, sensation de déjà vu. Les soldats ont du mal à respirer ; « L’air n’entre pas et, quand il entre, il vous sèche la gorge et l’âme. »
Défendre une frontière dans ces rudes conditions de vie engendre une « intense sensation de vacuité et de solitude », « provoque un désarroi vertigineux ». Mais Costa a des idées fixes, il croit que l’ennemi empiète sur son territoire. Lorsqu’il rassemble ses hommes pour partir en expédition, ils tiennent à peine debout. Les caporaux envoyés à ce poste sont originaires des régions tropicales de l’Argentine. Leur constitution est plus adaptée au climat des moussons qu’à l’aridité glacée de l’altiplano ce qui s’ajoute au dépaysement et au mal du pays.

En plus des militaires, les baraquements abritent aussi les mineurs. Comme ils passent leur vie dans les galeries, ils doivent s’exposer au soleil au minimum une heure par jour « pour permettre la photosynthèse et leur éviter de se couvrir de mousse ». Le ton est donné : comique et absurde.
Le Sergent Quipildor, souffre-douleur de Costa, est plus occupé à frire ses beignets qu’à défendre la frontière.
 Au départ de Gaitán, une femme prend le commandement des carabiniers, c’est la capitaine Vera Brower.  Entre Costa et Vera, il y a des affrontements, des disputes sur de soi-disant vols de territoires mais aussi une attirance certaine. Dans cet univers froid et minéral, Véra apporte la chaleur, la rondeur, la douceur que Costa avait oubliées. Une très belle scène dans les grottes où coulent les sources chaudes les réunit.

De quoi cette frontière inutile et absurde est-elle la métaphore ?
Les tropicaux ont la nostalgie de leurs oiseaux dont ils imitent les chants, du manioc et des rivières mais veulent rester à Roca Pelada.
Le sergent Quipildor franchit la frontière, abandonne son uniforme et devient l’homme à tout faire des « Carabouffons » mais passe des heures à ressasser sa nostalgie.
Le lieutenant Gaitán en a assez de voir le soleil se coucher sur l’océan pacifique, il rêve de voir le soleil se lever sur l’Atlantique, « voir comme sont les femmes, les poissons, la mer, la bière » de ce côté-là.
Le contrôleur ne veut plus voyager, il s’installe à Roca Pelada parce que le paysage y est plus stable que depuis un train.
Nos espoirs de bonheur seraient toujours dans un autre lieu, celui du rêve ?

Nadine Dutier 
(07/07/23)    



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Métailié

(Janvier 2023)
352 pages - 22,50 €

Version numérique
14,99 €


Traduit de l'espagnol
(Argentine)
par François Gaudry




Eduardo F. Varela
né en Argentine en 1960, est auteur de scénarios pour le cinéma et la télévision. Patagonie route 203, son premier roman, a obtenu entre autres le prix Casa de Las Americas.



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son précédent roman :


Patagonie route 203