Gérard Gabert écrit des polars. Il a quitté Paris pour changer complètement d’environnement et créer des conditions favorables à l’écriture. Il s’installe à la campagne car « il rêvait d’écrire pas cher ». Il rencontre Magali, une fillette qui a beaucoup d’imagination, sa mère Lola et Lune, une jeune femme indépendante. Il observe autour de lui et cela lui donne des idées. « La porte n’est jamais fermée pour que les idées rentrent plus facilement. »

Il échange avec Lune : « C’était pour lui l’occasion de faire le point sur certaines choses à propos desquelles il évitait d’ordinaire de se poser des questions. Il est vrai qu’il écrivait plutôt sans trop y penser et que ce n’était pas forcément l’idéal. Il lui racontait comment une image se formait dans son esprit, comment cette image s’animait en une scène et bientôt en un récit dont il convenait de tirer les fils. »

Nous voici au cœur de la création où la mystérieuse alchimie entre fiction et réalité se réalise sous nos yeux. Nous retrouvons des personnages que nous connaissons déjà : la veuve Waserman, la grosse Claudine… qui continuent leur vie après avoir sillonné les pages des recueils de nouvelles de Paul Fournel. La mauvaise humeur légendaire de la grosse Claudine est toujours aussi intense et la veuve Waserman vit encore dans son garage pour ne pas salir sa belle maison. Nous revoyons aussi Geneviève Roy, autrice dans Jeune-Vieille, qui fait quelques infidélités à Robert Dubois, son éditeur. Paul Fournel, dans le dernier volet de sa trilogie, nous dévoile quelques dessous du monde de l’édition avec ses difficultés, ses jalousies, ses déceptions, ses joies, ses surprises…

« Le talent fait des petits écarts qui sont autant de merveilles et qui font bouger les façons de raconter, le génie, lui, il fait le grand écart et il faut avoir une imagination à long terme » précise Robert Dubois.

La vie d’un créateur consiste à observer, attendre, piocher dans la vie qui l’entoure le terreau de son œuvre mais il faut le transformer, l’enrichir pour aboutir à une nouvelle, un roman, un poème… puis vient le temps des signatures dans les salons avec ses rencontres, ses attentes, parfois l’absence de public…

Avec Le livre de Gabert, voici la dernière partie de la trilogie de Paul Fournel après La liseuse et Jeune-Vieille. L’écriture n’est jamais achevée. Faut-il conclure un texte ou laisser libre cours à l’imagination en attendant l’ouvrage suivant ?

L’écriture de Paul Fournel, toujours pleine d’humour, nous entraîne dans la famille de ses personnages que nous retrouvons avec plaisir.

Les éditeurs commandent des livres à leurs autrices et à leurs auteurs mais les lectrices et les lecteurs peuvent aussi le faire. Nous attendons le suivant. Donc au travail Monsieur Fournel. 

Brigitte Aubonnet 
(06/04/23)