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Années 60-62 – Algérie
Vingt ans, le bel âge ? Peut-être… Mais pas lorsqu’on est mobilisé pour partir à la guerre, surtout quand il ne s’agit pas de repousser un ennemi, de lutter contre une invasion ou contre le fascisme, mais de participer au « maintien de l’ordre » dans un pays où les gens se battent pour leur indépendance. Après avoir évoqué son enfance et son adolescence dans Mémoires d’un petit Quimpérois, 1940-1960 (Le Palémon, 2022), Jean Failler raconte ici les deux années passées sous l’uniforme, de mars 1960 à mars 1962. Un Quimpérois en Algérie en 1960 ! Mais qu’allait-il donc faire dans cette galère ? Sur le bateau qui le conduit à Alger, il enrage. Avant l’Algérie, il y a « les classes », la vie de caserne, l’instruction militaire, les marches et autres épreuves physiques… Nantes est donc la première étape du périple. Il y a la douleur de quitter sa famille, sa région, son travail sans savoir quand il les reverra. Mais il y a aussi la rencontre avec les autres conscrits. Des caractères se révèlent très vite. Des sympathies et des antipathies se créent et certaines perdureront longtemps, jusque sur le sol algérien. L’Algérie, il y débarque page 135, et une autre aventure commence, où se mêlent la chaleur, l’éloignement, l’inconfort… et la présence permanente et pesante de la mort, qui peut survenir à tout moment pour les autres (amis ou ennemis) et pour soi-même. C’est une question qui taraude l’auteur. Presque par hasard, sans doute pour sa facilité déjà à s’exprimer à l’oral comme à l’écrit, Jean Failler a assuré de la formation pour les jeunes FSNA (« c'est-à-dire les Français de souche nord-africaine appelés à faire leur service militaire sous le drapeau tricolore »), participé à un jury d’examen (les soldats africains de 2e classe doivent prouver qu’ils savent lire, écrire et compter pour pouvoir accéder à la 1ère classe et bénéficier d’une solde supérieure) et a été affecté au secrétariat pour aider les officiers plus aptes à mener des opérations sur le terrain qu’à en rédiger le compte rendu pour les autorités hiérarchiques et politiques. Ces tâches donnent à l’auteur un statut un peu particulier, lui permettent de connaître l’encadrement de près et d’être au courant de tout ce qui se passe, sans pour autant être exonéré de patrouilles et d’affrontements dans les montagnes qui entourent leur poste en petite Kabylie à l’entrée des gorges de Kherrata. Le récit de Jean Failler montre bien la façon dont les jeunes appelés venus de toutes les régions ont été embarqués dans cette guerre qui ne disait pas son nom, avec le risque de tuer ou être tués, pour des raisons qu’ils ne comprenaient pas toujours et auxquelles on ne croyait déjà plus en haut lieu où l’on préparait en secret les accords d’Évian qui ont mis fin au conflit en mars 1962, au moment où le jeune homme, bénéficiant d’une permission, retrouvait sa Bretagne natale pour les obsèques de sa petite sœur... Un témoignage passionnant, alternant humour et émotion, un récit utile et salutaire. Beaucoup de livres, de films, de documentaires ont évoqué ce sujet et cette période mais il ne faut pas cesser de dire et redire ce qui a été vécu pour que la mémoire collective n’oublie pas les zones d’ombre de son histoire. Serge Cabrol |
Sommaire Lectures Palémon (Septembre 2023) 396 pages - 12 €
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