« T’as quinze ans et c’est sombre comme tout. Du noir partout. »
C’est la première phrase du livre et c’est vrai, au sens propre comme au sens figuré. Fêter son anniversaire dans un appartement sans lumière parce que l’électricité a été coupée faute de paiement des factures, ça n’a rien de très lumineux. Mais cela n’empêche pas Sacha d’aimer sa mère.
« Il faut dire qu’elle t’a eu jeune. À peine dix-huit ans. Le ventre volumineux caché à ses parents sous de larges pulls en laine. La mascarade pendant des mois et des mois jusqu’au neuvième. Jusqu’à ce que tu te pointes, tête la première. Nelly adore être mère, tu précises. Tu sais comment les gens sont quand il s’agit de juger à l’emporte-pièce. » « Tu n’as jamais connu ton père dont Nelly ne parle jamais. »

Heureusement, Sacha a un talent qui fait l’admiration de tous, il a un coup de crayon impressionnant. Le dessin, et plus particulièrement la BD, est sa passion. Alors au collège, il allie la discrétion au talent.
« Au début, tu fais illusion. Tu es tellement discret sur ta vie perso qu'au bahut on t'appelle le ténébreux. Tel un magicien, tu présentes bien, lances des sourires, fais des tours de passe-passe et tout le monde aime ton énigme. Faut dire surtout que tu dessines comme un dieu. À tous ceux qui t'entourent, tu gribouilles des portraits, des croquis, des illustrations personnalisées. Tu leur confectionnes des scènes épiques, des paysages de rêve ou des caricatures plus vraies que nature. Tout le collège apprécie. Et personne ne pense à percer tes secrets. »

Malheureusement la situation va continuer à se dégrader. Nelly ne trouve que des petits boulots mal payés et ça ne suffit pas pour payer les factures et les courses. Les avis d’huissier succèdent aux relances et un jour, il faut quitter le petit appartement à la fin de la trêve hivernale…

L’auteur montre bien comment Sacha subit toutes les difficultés du quotidien, ses inquiétudes, ses colères, mais aussi sa compréhension envers sa mère.
On partage aussi sa peur des humiliations, l’angoisse permanente d’être démasqué, moqué, ridiculisé, voire harcelé comme ceux qui n’ont pas les bonnes fringues ou les bonnes attitudes.
Heureusement, la fin de l’année scolaire signifie la fin du collège. Au lycée, les cartes seront peut-être rebattues. Mais il y a des choix à faire, d’établissement, de filière, d’options…
Sacha a le niveau pour entrer en seconde générale et les profs l’y encouragent mais il préfère la voie professionnelle vers un CAP… de souffleur de verre !
« Il te fallait un métier rien qu'à toi. Un métier rare, c'est ce qui t'importait. Un métier différent, un métier d'expression où les gens pouvaient s'exclamer, tiens c'est original, ça consiste en quoi, racontez-moi. »

Souffleur de verre, auteur de BD, Sacha a fixé la barre très haut. Est-ce qu’il atteindra ses objectifs ? L’auteur, lui, a atteint le sien en offrant aux ados un nouveau roman plein d’espoir et de courage pour que chacun se donne les moyens d’aller au bout de ses rêves.

Serge Cabrol 
(06/09/23)