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Julien DUFRESNE-LAMY


Mauvais joueurs


À l’école, comme avec ses parents, Marceau n'aime pas jouer. C'est un garçon plutôt fragile, avec des problèmes de santé (eczéma, allergies), pas très « vaillant ». Il faut dire que les jeux de sa famille n'ont rien de très amusant. « Dans la famille, on ne parle pas des uns et des autres. Dans la famille, on préfère jouer. Des jeux de rôles, des jeux de société, des jeux d'enquête, avec des pièges et de vraies surprises. Moi je m'en méfie. Mais on me force à participer. Alors, je joue avec eux. Parfois, je me contrains à rire. » «  La famille est mauvaise joueuse, vilaine perdante. Méchante tout court. » Le livre, construit de façon récurrente autour de jeux (de l’oie, échecs, Monopoly…) est partagé en trois : La partie, La revanche, La belle. On suit l'évolution de Marceau depuis l'anniversaire de ses six ans jusqu'à l'âge adulte.

Marceau vit avec ses parents, une sœur aînée, Jezebel, et une petite sœur, Lucile. On ne sait pas exactement en quoi consiste le travail du père mais il est fréquemment absent, en voyage ou en séminaire. La mère reste à la maison et s'occupe des enfants. Les relations de Marceau avec ses parents ne sont pas simples. La mère a des peurs, des angoisses, des croyances bizarres (les voyages de l’âme dans le cosmos, la réincarnation...) et même des hallucinations. On apprend vite qu’elle a été très marquée par un accident dont on connaîtra la nature plus tard.  Le père ne supporte pas les bizarreries de sa femme, il ne veut pas en entendre parler. Marceau est souvent complice de sa mère pour cacher ses délires et éviter de provoquer la colère du père. Au fil du temps, l’état de sa mère s’aggrave…

Depuis longtemps, il n’y a plus de tendresse entre les parents. « Je me demande ce qui les relie. Ils ne se disent pas de mots affectueux, jamais de gestes, jamais de répit. » Pourtant, cette tendresse a existé mais un jour tout a changé. « Je ne me rappelle plus à partir de quand tout ça a cessé. » Le père fait preuve d'une grande sévérité envers Marceau, jamais de compliments, de félicitations, de gestes tendres. Quand il parle de ses parents, Marceau dit « maman » mais seulement « le père », jamais papa.

Avec les autres, à l’école ou au collège, sa vie n’est pas plus simple. Il n’aime pas le sport, personne n’en veut dans son équipe. Et quand il sympathise avec un garçon de sa classe, la relation est vite complexe… Marceau ne se sent bien qu’avec sa petite sœur. « Heureusement, il y a Lucile. On grandit ensemble, elle et moi. On se lie par la peau, comme deux cerises. On croit aux mêmes légendes. On écoute les disques d'opéra du père. Tchaïkovski, Glinka, Prokofiev, que des Russes, on adore ça. On enfile les mêmes chaussettes trop grandes, les mêmes blousons de campagne. On joue tous les deux, rien à faire du bleu, du rose. On joue à tout, sequins, poupées et soldats de plomb. »

La folie de la mère, la froideur du père, les difficultés avec les autres à l’école ou au collège, la relation très forte avec la petite sœur, évoquées à la première personne par ce garçon fragile mais intelligent et courageux, composent un roman bouleversant, riche en émotions et ouvert sur l’espoir. Dans cet environnement affectivement difficile, Marceau parvient à se construire et trouver la force de partir. La troisième partie, intitulée « La belle », l’emmène à Madrid où il saura gérer son indépendance et profiter des rencontres.

Un livre à conseiller vivement aux adolescents qui trouvent leur vie de famille parfois complexe. Comme l’écrivait Apollinaire : « Faut-il qu’il m’en souvienne, La joie venait toujours après la peine… » Courage, patience, et le soleil dissipera les brumes de l’enfance ou de l’adolescence.

Serge Cabrol 
(18/09/16)    



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Jeunesse






Actes Sud Junior

(Août 2016)
160 pages - 13,20 €










Julien Dufresne-Lamy
a publié un premier roman en littérature générale, Dans ma tête, je m’appelle Alice (Stock, 2012). Mauvais joueurs est son premier roman jeunesse.