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Amélie NOTHOMB


Pétronille


Ce roman, véritable hymne au champagne et à la littérature, nous raconte la relation étrange, complexe et tumultueuse, qui lie pendant plus de quinze ans deux romancières très différentes par la nature de leurs écrits, leur origine sociale et leur manière d'être.

Amélie Nothomb, à la fois auteur, personnage et narratrice, considère la consommation du champagne comme une chose très sérieuse, une activité artistique qu'on doit partager avec un agréable partenaire pour qu'elle ne se résume pas à un plaisir solitaire.
L'ivresse ne s'improvise pas. Elle relève de l'art, qui exige don et souci. Boire au hasard ne mène nulle part.
Il me faut un compagnon ou une compagne de beuverie», ai-je pensé. [...]
Déjà, le mot «compagnon» n'allait pas, qui a pour étymologie le partage du pain. Il me fallait un convignon ou une convigne.

On est en 1997, l'auteure est depuis peu de temps installée à Paris et sa liste de relations est encore un peu courte.

C'est donc pendant une séance de dédicace dans une librairie qu'elle pratique une chasse passive. Proie des curieux, je les regardais tous en me demandant ce que chacun vaudrait comme compagnon de beuverie. Prédation combien hasardeuse, car enfin, à quel signe détecte-t-on un tel individu ?

Un garçon de quinze ans s'approche à son tour de la table de signature.
Il me tendit un exemplaire du Sabotage amoureux. Je l'ouvris à la page de garde et prononçai la formule rituelle :
– Bonjour. C'est à quel nom ?
– Pétronille Fanto, répondit une voix peu sexuée, cependant plus. féminine que masculine. Je sursautai, moins de découvrir le véritable sexe de l'individu que d'apprendre son identité.
– C'est vous ?! m’écriai-je.

La jeune femme lui a déjà écrit plusieurs lettres. Elle prépare un master en littérature élisabéthaine en écrivant un mémoire sur un contemporain de Shakespeare. Amélie lui trouve plutôt un air de mauvais garçon et la façon dont Pétronille expulse de la librairie un photographe trop grossier la conforte dans cette impression.

Les deux femmes vont se revoir, le champagne les réunit souvent, et Amélie trouve en Pétronille la « convigne » idéale.

Cette complicité d'ivresse, entrecoupée de périodes d'éclipse, va durer dix-sept ans et connaître de nombreuses aventures cocasses ou émouvantes.

Une dégustation de champagne dans les salons du Ritz tourne à la catastrophe quand les « créatures à serre-tête » saluent Amélie Nothomb avec chaleur mais ignorent superbement Pétronille.

On accompagne aussi Amélie Nothomb à Londres où elle va interviewer une créatrice de mode si désagréable et méprisante que la romancière appelle sa « convigne » au secours. Le séjour dans la capitale britannique prend alors une tout autre allure...

Quand elles décident d'aller à la montagne, le séjour prévu pour une semaine se trouvera écourté. Amélie, qui n'a pas fait de ski depuis ses quatre ans au Japon, commence par une série de chutes qui en aurait découragé plus d'une mais elle ne baisse pas les bras et choisit une méthode très personnelle pour retrouver les gestes de l'enfance.
«Si je garde les yeux fermés, j'en suis capable», décidai-je. Dont acte : je m'élançai dans le noir et, en effet, les sensations me revinrent. En pivotant régulièrement, je me retrouvai au bas de la pente sans m'être effondrée. Je poussai un hurlement de triomphe.
Par contre, sa performance n'a pas été du goût de tout le monde. Amélie et Pétronille décident ensuite de skier en buvant du champagne, une bouteille dans une main et un bâton dans l'autre. Spectaculaire mais pas sans risque.

Autre scène mémorable, un réveillon en banlieue parisienne, chez les parents communistes de Pétronille. Soirée exotique pour la romancière élevée dans le luxe des ambassades et interrogation sur le parcours de Pétronille passée de cette famille sans livre à l'écriture et à l'étude universitaire de Shakespeare.

Parallèlement aux rencontres autour des flûtes et des coupes, on voit se succéder, d'année en année, les publications de Pétronille qui vit mal le désintérêt des critiques. Quand, en 2005, Amélie Nothomb se plaint des réactions hostiles à la sortie d'Acide sulfurique, Pétronille se met en colère :
Tu ne te rends pas compte ! Je rêverais d'être à ta place !
– Tu crois que c’est agréable de recevoir des insultes ?
– Et être ignorée, tu penses que c’est facile ?
– T’exagères. Ton livre ne passe pas inaperçu.
– Arrête, je t'en prie. Je ne supporte pas ton espèce d'indulgence à la noix ! Dis tout de suite que mon bouquin ne méritait pas mieux.

Un jour, elle annonce à Amélie qu'elle part traverser le Sahara à pied et charge son amie de trouver un éditeur pour le manuscrit qu'elle lui confie. Et voici Amélie Nothomb démarchant les maisons d'édition pour défendre le roman d'une autre. L'épreuve est intéressante, les refus nombreux et les réflexions qu'elle entend assez significatives.
Il se trouva même une éditrice jeune et sympathique pour me dire in texto :
« Ne vous donnez pas tant de mal pour cette Fanto. Vous savez bien que dans le monde des lettres, les prolétaires n’ont aucune chance. »

Nous ne dirons rien de la fin, bien entendu, qui confirme que l'auteur ne confond jamais le roman et l'autobiographie...

Serge Cabrol 
(25/09/14)    

Amélie Nothomb a révélé à la radio et à la télévision la véritable identité de Pétronille et vous pourrez, en cliquant ici, lire les propos de Stéphanie Hochet sur le roman dont elle est devenue un personnage.



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Editions Albin Michel

(Août 2014)
180 pages - 16,50 €




Depuis Hygiène de l'assassin (Albin Michel, 1992), Amélie Nothomb publie un roman chaque année chez le même éditeur.



Bio-bibliographie
sur le site de l'auteur :
www.amelie-
nothomb.com





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