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Michel LAMBERT
Et il songea à l'époque où il avait un travail intéressant, de l'argent. Une femme, une fille qu'il adorait. Tout était parti en fumée, tout ce à quoi il tenait. Va savoir comment, va savoir pourquoi. Par une sorte de négligence peut-être, ou plutôt d'enchaînement fatal, comme maintenant, et comme maintenant, il était trop tard. Michel Lambert est un subtil portraitiste. Chaque nouvelle est centré sur un narrateur qu'on va suivre dans ses errances, ses rencontres, ses conversations et dont on perçoit peu à peu ce qui remonte du passé pour troubler le présent. On suit ainsi un père dévasté par le mystère d'une fille partie du jour au lendemain sans explication ; un autre qui a négligé son fils au profit de celui d'un ami ; un homme qu'une erreur d'aujourd'hui renvoie à une erreur d'autrefois, un mauvais choix sur lequel il est trop tard pour revenir ; un autre que les pourquoi d'aujourd'hui renvoient aux questions d'autrefois et qui prend conscience que sa blessure ancienne était peut-être plus forte que l'actuelle ; des narrateurs qui rencontrent ou suivent des femmes qui leur en rappellent d'autres, qu'ils n'ont pas su aimer ou protéger Parfois, l'auteur s'aventure dans les faubourgs du fantastique. On suit ainsi un médecin dans une ville où une frontière quasi invisible séparait les quartiers sans reproche des quartiers coupables. Le risque est grand pour celui qui s'égare, la moindre distraction peut avoir de dramatiques conséquences. Dans une autre nouvelle, c'est la lisière entre la réalité et la fiction qui est ténue, entre une ville de cinéma et une ville réelle. Le narrateur suit une actrice qui se déplace un perroquet perché sur l'épaule. La communication s'avère difficile mais il ne peut s'empêcher de la suivre, poussé par ce besoin de prendre des revanches sur le passé ou sur le regard affligé qu'on porte sur lui. Ah, s'ils pouvaient être là, les techniciens de l'Eldorado, la petite fille et son père, sa propre fille à lui, la femme qu'il avait aimée puis détestée, Pierrot, les clients du Clair de Moon ! Une salle remplie, et si le film était bon, s'il jouait bien son rôle, en héros, peut-être à la fin de la séance le regarderaient-ils tel qu'il était vraiment, non pas le timoré de service mais l'homme qu'il avait été autrefois, avant que les choses ne tournent mal, un véritable acrobate de la vie. La nouvelle qui donne son titre au recueil est une autre occasion de voir cette manière de Michel Lambert de jouer avec les mots, de s'interroger sans cesse sur le langage. Ici c'est le thème de la chute qui est exploré. La neige qui tombe, l'ami tombé dans l'alcoolisme et tombé professionnellement, la femme tombée malade, et le narrateur qui se sent lui aussi en chute libre. La neige tombait puis elle cessait de tomber, on croyait en être débarrassé et elle revenait. Elle revenait toujours. C'était son métier en quelque sorte. Pour la neige, c'est normal de tomber, mais pas pour les hommes. L'homme qui tombe ne se relève pas toujours et lorsqu'il se relève, le souvenir de la chute est toujours là, plus ou moins enfoui, et un rien, parfois, suffit à le réactiver. C'est cela le métier de Michel Lambert, nous montrer le moment où un geste, une parole, une image ranime le souvenir enfoui de la chute, de l'erreur, de la perte, du drame, souvenir dont le temps parvient seulement à adoucir les contours comme la neige sur un paysage. Un très beau recueil, des nouvelles fortes dont on conserve longtemps les traces, une écriture maîtrisée au service d'une émotion sans pathos, un livre tendre sur des sujets durs Neuf textes, neuf rencontres, et bien plus de raisons encore de lire Michel Lambert. Serge Cabrol (16/12/13) |
Sommaire Lectures Pierre-Guillaume de Roux 200 pages - 18,90 €
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