Véritable odyssée, l’histoire se déroule de 1801 à 1916, de l’île de Pâques jusqu’en Amazonie en passant par la Patagonie, Valparaiso, la Bolivie, l’Argentine et ce, sur trois générations. Le narrateur, posté toute une nuit avec son jumeau, pour tuer le célèbre bandit Butch Cassidy,  nous raconte, pour expliquer comment lui et son frère en sont arrivés là, les aventures de Poki, leur grand-mère, puis celles de son fils, Pawel, leur père, et enfin celles de leur mère indienne, Wari, pour en venir à leur extravagante rencontre avec le fameux Robert Leroy Parker…

Ce sont leurs rêves qui poussent les personnages à agir. Poki, toute jeune,  gagne le titre d’Homme Oiseau dans une sorte de rite initiatique pourtant réservé aux jeunes hommes de l’île de Pâques. Puis, grâce au croquis d’un certain Léonard de Vinci, elle réussit à s’envoler de son île dénudée dans l’espoir d’y ramener la forêt originelle. Vingt ans plus tard, à Valparaiso, son fils, Pawel, quitte le chiffonnier qui lui a servi de père pour réaliser le rêve de sa mère, aller plein nord, chercher la forêt, et en route réaliser le sien, rencontrer la femme « aux huit doigts » qui lui est apparue en songe. Les rêves, les légendes, les personnages d’autres romans, la magie, les rencontres, l’Histoire avec les balbutiements de l’aéronautique et les révolutions qui secouent le continent sud-américain, les guerres, les bandits de grand chemin et le sort atroce des derniers habitants de l’île de Pâques, façonnent les aventures de la mère, du fils, de sa femme, puis des jumeaux que l’on suit dans leurs quêtes en quatre-vingt-dix-neuf chapitres qui seraient comme les quatre-vingt-dix-neuf premières cases d’une gigantesque marelle sans fin, les morceaux d’un puzzle en construction, les éclats d’un miroir littéraire toujours agrandi.

Juste un exemple de cet étonnant méli-mélo de réalité historique et de fiction. Chapitre 12, au large de Sala y Gomez où Poki a atterri en catastrophe après s’être envolée de son île natale, passe un paquebot. Sur ce paquebot voyage un écrivain qui a bel et bien existé,  Aldebert Von Chamisso, embarqué comme botaniste dans un voyage scientifique autour du monde. Cousseau cite des passages (réels ou inventés ?) du carnet de ce poète-savant qui viennent corroborer la possibilité de survie, sur cet îlot très inhospitalier, de la jeune fille. Et c’est là, que notre auteur s’amuse beaucoup puisque, un peu plus loin, il va accoupler Poki au personnage principal du roman de Chamisso, Peter Schlemil, l’homme qui a vendu son ombre et créer ainsi le personnage de Pawel. 

L’auteur dévoile d’autres interférences qu’il a créées entre la réalité et sa fiction, dans une annexe à la fin du livre, ce qui ajoute à son roman, déjà riche en aventures, un grain, une extravagance, une Folie, au sens architectural du mot.

J’ai lu quelque part que la vie est comme un long couloir avec plusieurs portes. Il y a des passages obligés, la naissance et la mort. Et entre les deux, des portes sont ouvertes, d’autres restent fermées, la plupart sont secrètes.

Sylvie Lansade 
(12/02/16)