Retour à l'accueil du site






Patrick CHAMOISEAU


Hypérion Victimaire
Martiniquais épouvantable



Tous ceux qui ont croisé Hypérion Victimaire ce vendredi 13 se souviendront longtemps de lui, sauf les innombrables qui, à cause de lui, n'ont pas pu voir le samedi 14.
Assurément, Hypérion Victimaire est un Martiniquais épouvantable qui fait penser par sa détermination et sa vitesse d'exécution au justicier-samouraï de cet étonnant film de Takeshi Kitano, Zatoichi. Le sang gicle avant même que la victime ait perçu le début du mouvement.

Dès la première page du livre, le commandant de police Éloi Éphraïm Évariste Pilon est en mauvaise posture, le pistolet du tueur braqué sur lui. Et pendant tout le roman (ou presque), il en sera ainsi.
Tenant le policier en joue, Hypérion Victimaire raconte, se raconte, explique, philosophe et confie au commandant ce qui motive sa grande colère et son impitoyable besoin de justice et de châtiment.

Hypérion Victimaire est un ancien militaire (Irak, Afghanistan...) élevé dans la droiture par une mère exemplaire. "Elle était comme cela. Droite. Réglo. Au fil à plomb. Le respect, l'honneur et le tranchant de l'autorité. C'est ce genre de personne que le créole appelle une "Grande personne", on crache sur le créole mais le créole sait dire les choses ! Et que donc, quand je vois la qualité-modèle qu'était ma mère, je comprends ce que "Grande personne" veut dire, et je comprends aussi que les enfants de son temps n'étaient pas des chiens-fer sans bretelles, mais des personnes aussi, des petites personnes comme on dit en créole."
Pour le père, on apprendra plus tard, qu'il en a été différemment…

L'ancien militaire a pour voisin Hortensius Capilotas qui "faisait commerce avec des démons invisibles pour s'efforcer de soulager ces désespérés qui s'en venaient auprès de lui crier vengeance, justice, miséricorde, et quémander une solution à leur déveine..."
Hépérion soupçonne son voisin d'être un charlatan qui profite du malheur des autres mais son combat pour soulager ceux qui souffrent et détruire les nuisibles lui semble juste.
Toutefois, les démons ne suffisent pas toujours à régler les problèmes et punir les méchants. Heureusement, Hortensius Capilotas a reconnu en Hypérion Victimaire l'Archange capable d'infliger le châtiment de façon rapide et radicale. Les dealers, proxénètes, pédophiles et autres criminels en tous genres peuvent trembler, la justice divine ne les épargnera plus.

Et les choses se passaient tranquillement jusqu'à ce funeste vendredi 13. La dernière permanence du commandant avant sa retraite. Valeureux et honnête policier, il n'a pas eu de chance dans sa vie familiale. Sa femme, devenue alcoolique, s'est suicidée et sa fille, Caroline, passe de foyer en foyer. Ce soir encore, elle a fugué et personne ne sait où et avec qui elle peut bien se trouver. C'est dans les interstices du récit d'Hypérion qu'on peut lire les pensées du commandant et tout ce qui l'a amené là, au bout du canon en acier du pistolet du tueur.

Les deux personnages, chacun à sa manière, au fil du récit de l'un et des pensées de l'autre, nous parlent de la Martinique d'aujourd'hui, sa langue, ses paysages, sa misère, ses beautés, sa cuisine, et sa délinquance aussi…

Patrick Chamoiseau nous livre là un beau thriller, bien noir, avec un tueur psychopathe, des jeunes fous qui se croient plus forts que tout et un policier intègre qui enquête avec intelligence et patience tout en cherchant à retrouver sa fille…

L'écriture est au rendez-vous – avec les envolées lyriques du tueur, amoureux de son île et de la poésie, confronté au langage minimaliste des jeunes délinquants – pour mettre en scène le choc des cultures, des générations et la situation de la Martinique dans un contexte économique et social difficile qui génère la misère, l'ignorance et la violence.
L'Archange-justicier et le commandant de police ont à cœur, par des moyens et des méthodes différents, de rappeler qu'il y a encore de l'humanité sur terre et qu'il faut que la société se ressaisisse pour donner à ses enfants un autre avenir que l'évasion par la drogue et la violence.
Un livre pour frissonner et méditer à la fois…

Serge Cabrol 
(07/03/13)    



Retour
Sommaire
Noir & polar










Editions La Branche
Collection Vendredi 13
320 pages - 15 €








Patrick Chamoiseau,
né à Fort-de-France en 1953, auteur de romans (prix Goncourt 1992 pour Texaco), de contes, d'essais, théoricien de la créolité, a également écrit pour le théâtre et le cinéma.



Bio-bibliographie
sur Wikipédia






Découvrir sur notre site
d'autres livres de la
collection Vendredi 13 :

Jean-Bernard Pouy
Samedi 14


Pierre Bordage
L'arcane sans nom


Brigitte Aubert
Freaky Fridays


Pia Petersen
Le chien de Don Quichotte


Pierre Pelot
Givre noir


Alain Mabanckou
Tais-toi et meurs


Pierre Hanot
Tout du tatou