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Alma BRAMI
Gérault, cinquante ans, célibataire vient d'être licencié. C'est alors qu'il croise par hasard Jean-Yves, un camarade de collège, qui l'invite à dîner chez lui. Tandis que le jeune prétentieux, heureusement souvent appelé à l'extérieur pour des missions plus nobles, oscille à son égard entre l'autorité bête du petit chef et la bienveillance teintée de la condescendance qu'on témoigne aux anciens mêmes déchus, Greta passe pour se rassurer sur le sort de son "protégé". Sentimentalement, pour l'homme vieillissant, bedonnant, dégarni, sans charme et sans argent, c'est le calme plat. Il a aimé, autrefois, et a été quitté. Aujourd'hui s'il fréquente la gentille Françoise, documentaliste qui l'accueille avec chaleur et attention dans son CDI, c'est par défaut et sans enthousiasme. Est-ce sa faute si sa silhouette de "boudin", sa quarantaine fatiguée et son parfum bas de gamme le dégoûtent et qu'il se sent incapable de répondre aux élans qu'elle manifeste ? Chez les autres tout l’excède : la vulgarité, la médiocrité, la "fausse" compassion, leur bonheur ou leur réussite qui le renvoient à son échec et à sa solitude, la sollicitude et la trop grande gentillesse qui semblent attendre en retour reconnaissance, respect ou affection... Mais le misanthrope se garde bien de le leur dire. « Mentir devient quotidien, c'est tellement plus simple que de décevoir. » Et ce n'est pas sa mère qui va l'aider à s'affirmer. Elle présente tous les travers d'une tragédienne frustrée qui se serait bien vue en star. Une veuve possessive et autoritaire qui s'est fait une spécialité du chantage affectif. C'est, à l'heure du roman, une vieille femme acariâtre qui, à défaut de pouvoir journellement déverser sa rancune sur ce fils auquel elle aurait tout sacrifié sans en avoir jamais rien reçu, terrorise l'assistante de vie, pourtant d'une docilité exemplaire, qui vient l'aider à domicile. Bref, un personnage qui n'a rien à envier à "Tatie Danièle" pour sa méchanceté et sa duplicité. Son seul ami c'est Étienne, un ex-jeune collègue, simple et sans la moindre méchanceté, qui aime la vie et le sexe, trompe son épouse à tout bout de champ mais aime sincèrement ses enfants, leur mère et son foyer. Il porte à Gérault une estime et une affection aveugles. L'histoire de cet homme empêché, que la lâcheté ligote autant que les circonstances, que la violence intérieure étouffée étrangle, que l'orgueil et l’égoïsme aveuglent, est un antihéros par excellence. Rien que pour la dernière des scènes avec Tatie Danièle, qui est un vrai morceau d'anthologie, et celle où notre faux jeton tout sourire écoute consciencieusement la mère d’une amie affublée d'un énorme grain de beauté au bord de la lèvre supérieure avec en arrière-plan cette tirade : « Ne souriez pas, madame, il pourrait se décrocher et tomber au fond de votre verre. Ne respirez pas non plus, il pourrait être aspiré au fond de votre narine et boucher le canal fronto-nasal. », ne boudez pas votre plaisir. Une histoire acide et drôle dans la forme mais empreinte de réalisme et terriblement humaine, qui illustre bien les doutes et les peurs qui paralysent, dit la difficulté à s'accepter, à accepter les autres et à vivre, tout en pointant du doigt les travers de cette société des apparences et du bonheur factice figée dans ses bons sentiments de pacotille, son hypocrisie et ses conventions. Un divertissement à tiroirs, moins innocent qu'il n'y paraît. Dominique Baillon-Lalande |
Sommaire Lectures ![]() Mercure de France (Août 2014) 160 pages - 15,80 € ![]() Folio (Juin 2016) 176 pages - 6,50 €
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