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Cathy YTAK


Le retour de la demoiselle



Sept heures du matin, les bulldozers s'installent. Après un grand détour par la route du bas, ils ont pris position juste devant la banderole délavée sur laquelle on devine encore : "Non à la spéculation immobilière, refusons la destruction des espaces naturels". Brian et ses parents ont tout tenté pour éviter que l'écrin naturel qui fait face à leur maison ne soit transformé en luxueux complexe hôtelier. Peine perdue. L'adolescent assiste avec ses parents à travers la fenêtre aux préparatifs du massacre. "La combe n'existera bientôt plus. Et dans cette nature qu'on saccage, ses rêves d'enfant disparaissent ; les fées ne viennent même plus lui rendre visite en songe."

Un peu plus tard, après une journée agitée au collège, il va chercher refuge dans la forêt de son enfance pour retrouver un semblant de sérénité. Mais ce jour-là, il n'y est pas seul. Des notes de musique aériennes l'attirent dans une clairière où une jeune fille semble l'attendre en jouant de la harpe celtique avec à ses côtés sa jeune sœur muette. Conquis par la musique, il sollicite Maureen la musicienne pour lui révéler les secrets de cet instrument qui le fascine.

C'est sans grandes difficultés que Brian obtient de ses parents l'autorisation de prendre des cours de harpe avec Maureen à une petite quinzaine de kilomètres de chez lui. Rendez-vous est pris pour un cours hebdomadaire contre du bois de chauffage. L'atmosphère de la maison aux multiples harpes est un peu étrange mais pour l'adolescent la musique est une révélation. "Brian s'évade et rêve d'un autre monde, loin des cris et de la fureur des guerres. Un monde où les gens vivraient en paix, où la nature serait simplement respectée. Un humain, un arbre, un animal. Une pierre, de l'eau. Tous indispensables, tous irremplaçables. Avec la musique au centre, pour relier les hommes et la terre qui les porte." Lennia, la petite sœur assiste sans un mot à tous les cours. Un jour Maureen retire la housse d'une superbe harpe sculptée ornée de libellules, pour la montrer à Brian. Un exemplaire de collection fabriqué en Irlande au XVIIIe siècle qu'elle dissimule à nouveau très vite aux regards de la fillette qui s'approche d'eux. L'instrument était celui de leur frère, mort noyé il y a trois ans. Accident dont Lennia a été témoin et qui l'a amenée à se réfugier définitivement dans un monde parallèle.

À la ferme, face au chantier qui inexorablement avance, la colère est forte et la tension à l'extrême. De quoi parasiter les cours de musique : "Tu ne sors pas la colère de toi et elle t'étouffe. Et en réponse tu étouffes le son des cordes. Une harpe ce n'est pas qu'un bout de bois avec des cordes tendues dessus. Elle absorbe, elle retransmet. C'est une caisse de résonance de nos émotions. […] Et si tu te fâches contre elle, c'est contre toi que tu renvoies ta colère."

Suite à une dégradation de l'état mental de Lennia, les deux sœurs repartiront brutalement auprès de leur père en Écosse. Finis les cours, mais Brian n'abandonnera jamais la harpe pas plus que la lutte pour la défense de l'environnement.
Lors de son orientation, il affirme son choix. Si son père est menuisier, lui sera ébéniste, premier pas vers son rêve secret : devenir luthier.
A Besançon, des années plus tard, par hasard, Brian et Lennia se recroisent....

Mêlant la protection de la nature, l'entomologie, la musique, la mythologie celtique, l'âpre réalité et le rêve, ce récit foisonnant appartient à la catégorie des romans d'apprentissage.
Le retour de la demoiselle évoque sans fard le deuil, la colère, la folie et les dérives d'un monde soumis au profit mais aussi la force de la nature, la famille, l'amitié, la détermination et la passion. Il confronte l'ombre et la lumière sans tenter de fournir des réponses toutes faites et en cela, il est vif et juste.
Très loin de la caricature ou d'une approche superficielle des sujets, il tente une approche fine et riche en émotions de l'adolescence et du passage à l'âge adulte, au croisement du monde d'aujourd'hui et des légendes qui ont bercé l'enfance de Lennia et Brian.

Une belle et littéraire façon, entre fantastique et réalisme, de faire la part des choses entre ce, dans la vie, sur quoi on peut agir, ce qui peut évoluer, et ce qui reste immuable, en ajoutant une touche de sentiments et un zeste de poésie : "Des larmes ? Il n'y a pas besoin de harpe pour les faire couler. Et si Brian garde les yeux secs, la pluie qui ne cesse de tomber depuis des semaines semble le lessiver de l'intérieur. […] L'hiver tergiverse."

Une histoire originale et attachante qui mélange adroitement lutte écologique, univers musical et mythologique, amour, amitié, et... libellule.

Un beau roman, d'un auteur qui décidément ne déçoit jamais, à découvrir dès 12 ans.

Dominique Baillon-Lalande 
(04/04/12)    



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Jeunesse








L'École des loisirs

Médium
154 pages - 9,20 €







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