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Marie-Sabine ROGER

Il ne fait jamais noir en ville



Les dix nouvelles de Marie-Sabine Roger mettent en scène des personnages attachants – souvent des femmes – dans leurs relations avec ceux qui les entourent.
"L’enfer c’est les autres" écrivait Sartre, c’est souvent vrai répond ce recueil mais pas toujours.
C’est parfois vrai dans la vie professionnelle quand les collègues de bureau se montrent moqueurs et exploitent à outrance l’employée célibataire trop serviable, mais il suffit des miaulements d’un petit chat pour que l’employée voie sa vie changer et sorte les griffes (La loi de Murphy).

Dans Sans blessure apparente, c'est un frère, débordé pas ses activités, qui exerce ce type de pressions sur sa sœur célibataire et l'envoie tenir compagnie au vieil oncle malade. « Pourquoi moi ? Pour les mille raisons qu’il ne prendra même pas la peine d’énumérer, tant elles lui semblent évidentes. Sans mari, sans enfant, travail indépendant. Parce que je suis célibataire, et donc corvéable à merci. »
Les hommes n’ont pas le beau rôle dans cette nouvelle où leur égoïsme est sérieusement épinglé mais ils peuvent, ailleurs, se montrer sensibles, amoureux et dévoués à leur famille. Pas de manichéisme dans ces pages, chaque être est différent et susceptible de vivre une passion ou un drame, de manifester de la tendresse ou de l’amour.

Parfois, c’est la solitude qui est l’enfer et l’arrivée de l’autre est l’occasion d’y échapper.

Marie-Sabine Roger explore les rapports familiaux (frère/sœur, mère/fils, père/fille), de couples ou de groupes, et plusieurs nouvelles mettent en scène des personnes âgées en évoquant leur regard sur les jeunes (une vieille dame admire des skateurs dans Libres oiseaux), la fidélité en amitié (cinq SDF vivent ensemble depuis de nombreuses années et préparent un cadeau pour les quatre-vingt-dix ans d'Henriette), l’amour (et, pourquoi pas, le mariage) ou l’entrée à la maison de retraite qui n’est pas obligatoirement le début de la fin.

Dans Pas à pas, l’auteur nous emmène en voyage à Madagascar où une femme se rend au marché dans un pousse-pousse…
« La cliente va au marché. C'est à l'autre bout de la ville.
Brinquebalée dans tous les sens par les secousses, à l'ombre déjà chaude de la capote rouge, la cliente vêtue de blanc s’imprègne de tout ce qu’elle voit, échoppes bariolées aux étals minuscules, foule de gens qui passent, discutent en petits groupes au bord des avenues. Hommes assis à l'ombre des arbres, mères portant leurs bébés sur le dos, écolières en uniformes. Blancs à l’arrière des taxis ou de 4x4 flambant neufs. Vieilles maisons cossues. Allées qui devaient être belles à l’ère coloniale. D'une beauté lisse et rangée, aseptisée. Occidentale. Ici et là, les arbres abattus par le dernier cyclone sont tombés sur des murs de clôtures, qui se sont éboulés à leur tour, sous le poids. Deux hommes élaguent l'un d'entre eux à la hache, les coups résonnent, irréguliers. Le bois proteste à chaque entaille.
Les publicités peintes à la main sur les murs ont des airs surannés, stylo Bic et Vache qui rit, jaune, rouge, orangé, bleu dur.
[…]
La cliente se demande ce qui est légitime, acceptable, dans le curieux attelage qu'ils font, cet homme et elle. Lui s'échinant. Elle, alanguie comme un roi fainéant.
Elle lui donne du travail, c'est vrai. Mais dans le même temps, elle l'use à la tâche.
Qu'est-ce qui est bien ?
Qu'est-ce qui est mieux ? 
»

Marie-Sabine Roger décrit ses personnages avec tendresse, d’une écriture élégante, avec un vocabulaire précis, en tordant le cou aux idées reçues et aux clichés, sans hésiter, parfois, à surprendre le lecteur par une chute inattendue. Un très beau recueil qui paraît au moment où le roman de Marie-Sabine Roger, La tête en friche, est adapté à l’écran par Jean Becker avec Gérard Depardieu et Gisèle Casadesus.
Un auteur à suivre, absolument !

Serge Cabrol 
(02/06/10)    



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Lectures








Editions Thierry Magnier

(Mai 2010)
112 pages - 16 €



Actes Sud / Babel

(Février 2016)
128 pages - 6,50 €






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C'est nul
d'être un lapin


Les tartines au kétcheupe

Les encombrants


La tête en friche

Adaptation au cinéma
par Jean Becker
avec Gisèle Casadesus
et Gérard Depardieu
(sortie : 2 juin 2010)