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Hubert MINGARELLI
Dans la première, un homme, entre terre et mer, vit seul, de manière frustre, avec pour compagnie une souris. De loin, il lui parle mais se garde bien de lui ouvrir la porte. "Comment risquer d'avoir faim pour une souris ? A une époque de ma vie, j'ai eu faim, et même si cette époque est lointaine et révolue, elle est toujours là tapie dans un coin de ma tête et dans mon estomac. J'ai connu pas mal de choses dans ma vie, beaucoup sont parties avec le vent, et il n'en reste presque rien. La rage et le désespoir, le froid et le chagrin ont un jour frappé à ma porte, et je les ai presque oubliés, mais pas la faim. Et je ne peux compter que sur mes propres provisions." Quand il entraperçoit une scène d'hommes poursuivis en fuite vers la mer, du toit où il est monté vérifier l'état des bardeaux avant l'hiver, il se sent tout à coup bien fragile... (Un seul est parti) Puis on passe une soirée autour d'un feu dans la montagne qui se peuple
de fantômes avec un homme accompagné d'un adolescent (La beauté
des choses) ou on entre dans l'intimité d'une conversation entre
deux jeunes amis, assis, côte à côte, au-dessus d'un torrent
dans le blanc du givre et de la glace, le noir du deuil avec soudain tangible
le sentiment d'une fin, d'un temps où rien ne sera plus comme avant (Sur
le pont). Des inconnus aussi se croisent et partagent l'instant, comme ces
deux soldats, affamés, épuisés, frigorifiés, qui
sur le chemin du retour chez eux, s'abritent pour la nuit dans le même
hangar en tôle abandonné et se livrent à demi-mots : Parfois le sort vient contrarier les intentions, comme pour ce vieillard fragile collectionneur de plumes qui voudrait sans succès témoigner à un procès (La plume), l'équipage du bateau, accosté à Port-au-Prince, qui reste consigné à bord avec ses rêves en berne quand le crime s'affiche sur le quai (Port-au-Prince), ou la virée en bateau sur la rivière de deux frères orphelins très proches confrontés à la bêtise et la violence d'un paysan belliqueux (Elie). Pour finir la nouvelle titre, la plus longue (quarante pages alors qu'aucune des autres ne dépasse la quinzaine) a pour personnage un vieil homme revenu finir sa vie en Europe après avoir vécu à Buenos Aires. Là-bas, il y longtemps, il a écrit à son fils qu'il n'a jamais vu, une longue lettre, aujourd'hui perdue mais qu'il transmet de façon orale et fragmentaire à un passant de hasard (La lettre de Buenos Aires) Les personnages, ordinaires, toujours si proches de nous, touchants, seuls
ou à deux, vivent chacun leur voyage avec, autour d'eux, une nature qui
recèle "la beauté des choses" pour qui sait la
voir. "Je regardais vers le sommet de la montagne, vers les crêtes.
Le soleil les illuminait en jaune et en violet. Ici nous étions le soir,
mais là-haut, tout brillait comme en plein jour. Je trouvais ça
digne d'être observé. Il y avait là de quoi méditer.
C'était simple mais stupéfiant. J'y voyais là l'essence
des choses." Ce sont des fragments de vie, à hauteur d'homme, pleins de mystères,
de drames sous-jacents, de petits bonheurs, que l'auteur nous livre comme des
trésors avec pudeur et poésie. Dominique Baillon-Lalande (27/02/11) |
Sommaire Lectures Éditions Buchet-Chastel 192 pages - 15 €
Prix Médicis 2003 Vous pouvez lire sur notre site des articles concernant d'autres livres du même auteur : L'année du soulèvement La promesse Marcher sur la rivière Le voyage d'Eladio |
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