Le brasier de justice
(Les enquêtes de M. de Mortagne, bourreau – tome 1)
Après les aventures d'un jeune médecin enquêteur, Les
Mystères de Druon de Brévaux (voir sur notre site les articles
consacrés aux deux premiers volumes, Aesculapius
et Lacrimae),
nous entrons, toujours au moyen âge, dans une nouvelle série de
romans dont le héros est ici
un bourreau !
Rien ne prédisposait Hardouin cadet-Venelle, dit M. Justice de
Mortagne, à enquêter sur la véritable culpabilité
des condamnés qui lui étaient confiés
jusqu'à
l'exécution de Marie de Salvin en août 1305.
Leur dynastie de bourreaux était née avec son arrière-grand-père,
un fieffé vaurien, brigand de chemin, assassin. Capturé et condamné
à la pendaison, on lui avait proposé, ainsi qu'à d'autres,
la vie sauve contre cet office. Il n'avait pas boudé l'occasion. Ma foi,
il avait tué pour quelques fretins. Autant continuer, avec la bénédiction
de tous, mais pour de beaux sous.
Le jeune Hardouin, cadet de la famille, avait espéré échapper
à cette charge, partir à l'aventure, devenir soldat ou barbier-chirurgien,
mais le décès de son frère aîné en a décidé
autrement, l'obligeant à reprendre la charge familiale.
Le sort, et son art de la chirurgie, lui ont apporté une immense fortune
sans pour autant cesser de faire de lui un paria que la fonction d'exécuteur
vouait au célibat, sauf à épouser une fille de bourreau.
Etrange et émouvant héros pour cette nouvelle série d'enquêtes.
En août 1305, Marie de Salvin, affirme avoir été violée,
en l'absence de son mari parti à la chasse, par leur hôte, Jacques
de Faussay. Ce dernier crie à l'affabulation, jure de son innocence et
obtient un duel judiciaire pour s'en remettre au jugement de Dieu. Le mari,
piètre escrimeur, est tué par Jacques de Faussay, réputé
fine lame. Marie de Salvin, accusée de mensonge et de parjure, est condamnée
à être brûlée vive. Et le bourreau remplit son office
Mais dans ses cauchemars, il voit apparaître Marie de Salvin qui clame
toujours son innocence. Le hasard mène un jour le bourreau dans une taverne
où l'ignoble de Faussay se vante de son viol sur la jeune femme
Que faire ?
Hardouin, tourmenté par cette exécution imméritée,
se rend chez Arnaud de Tisans, sous-bailli de Mortagne, chargé de rendre
la justice, qui a condamné Marie de Salvin. Bourreau de grande réputation,
efficace et toujours apprécié dans son office, Hardouin se sait
difficile à remplacer et use de ce pouvoir pour convaincre le sous-bailli
de le laisser faire la lumière sur l'ignoble conduite de Jacques de Faussay.
Non seulement Arnaud de Tisans accepte assez facilement mais il évoque
une autre histoire de jeune femme condamnée à être enterrée
vivante pour un meurtre qu'elle n'aurait peut-être pas commis. Et puis,
le temps qu'on y est, il aborde aussi le délicat sujet de meurtres d'enfants,
violés et sauvagement assassinés, à Nogent-le-Rotrou, la
seigneurie du bailli de Guy de Trais. Un homme a bien été torturé
et pendu pour ces crimes mais le sous-bailli ne croit pas en sa culpabilité
et la preuve en est que les meurtres d'enfants continuent toujours
Hardouin, étonné de voir Arnaud de Tisans s'émouvoir pour
la paysanne peut-être injustement enterrée, se demande aussi les
raisons de cette autre enquête qu'on lui demande de mener discrètement
sur les terres du bailli, hors de sa juridiction
Qu'y a-t-il derrière
tout cela ?
Pour obtenir de pouvoir réhabiliter, à titre posthume hélas,
l'innocence de Marie de Salvin, Hardouin est obligé de se plier aux conditions
du sous-bailli.
Soit, il enquêtera, mais jusqu'au bout, sans savoir à l'avance
ce qu'il trouvera ni à qui cela pourra profiter ou nuire.
Un roman passionnant, ancré dans le quotidien d'une province au moyen
âge, avec en bas de pages de précieuses petites notes sur l'histoire,
les coutumes ou l'étymologie d'expressions parvenues jusqu'à nous
souvent déformées (ronger son frein, le jeu en vaut la chandelle,
mettre sa main au feu, galopins, marmots
). Une lecture aussi agréable
qu'instructive. On attend déjà la suite
Serge Cabrol
(17/11/11)
Et pour vous fournir une raison supplémentaire de vous intéresser
aux aventures de cet étonnant bourreau-justicier, voici quelques mots
adressés par l'auteur à ses futurs lecteurs :
"Cette nouvelle série de polars médiévaux est le
fruit de questions, dont une à laquelle je ne trouverai sans doute jamais
de réponse complète : comment des êtres, qui n'étaient
pas des psychopathes, ont-ils pu torturer de génération en génération
? Caste honnie mais crainte, les bourreaux étaient dans l'ensemble assez
éduqués et fort riches pour certains. Si l'on conçoit le
meurtre, qu'il s'agisse d'un instantané incontrôlable de terreur
ou de fureur, l'aptitude à la torture fait appel à un schéma
mental très particulier puisqu'elle ne renvoie à rien qui soit
du domaine de l'instinct de survie ou de protection, bref de notre part d'animalité.
Rien n'explique a priori son acceptabilité pour certains, pas même
ces temps reculés, dans un cadre qui n'a rien à voir avec le sadisme.
En effet, il ne s'agissait pas pour ces hommes et ces quelques femmes d'assouvir
des pulsions perverses.
Ce roman n'est qu'un élément de la réflexion. Merci à
vous qui consacrerez de votre temps à sa lecture."