Le deuxième tome des Mystères de Druon de Brévaux s'ouvre sur une série de meurtres épouvantables où les victimes sont retrouvées baignant dans leur sang la main sectionnée à hauteur du poignet. Ces assassinats troublent une petite communauté centrée sur une auberge tenue d'une main de fer par Maîtresse Borgne, Cécile, veuve de son état assistée de Nicole, souillon de cuisine « laid, borné mais d’dissuasive carrure. »

C'est en ces lieux qu’arrivent Druon de Brévaux et son acolyte Huguelin. Ses talents de mire* sont rapidement mis à l'épreuve afin d'aider la belle-sœur de Cécile, Muguette, dont les accouchements sont difficiles, tâche que le jeune mire va mener à bien gagnant l'amitié de la tenancière. Druon se trouve ainsi mêlé aux meurtres et met sa science au service de la communauté se détournant une fois encore de sa véritable quête, « élucider la raison pour laquelle l'Inquisition avait tourmenté son père et celles expliquant l'ignoble traîtrise de celui qu'elle avait toujours considéré tel un par un, Lévesque que de Séverin. Quelle était cette pierre rouge... Qui avait fait tant verser tant de sang ? Pourquoi son père ne l'avait-il jamais mentionné ? De crainte que sa chère fille soit en danger ? »

Toute la saga écrite par Andrea H. Japp tourne autour de cette pierre mystérieuse, véritable clé de voûte convoitée par le pouvoir séculier en la personne de Guillaume de Naugaret, au service du roi Philippe le Bel, à qui il souhaite l’offrir « puisque Rome la désire tant » et par le pouvoir ecclésiastique représenté par l'Inquisition et les chevaliers templiers. La première, au service du pape Clément V, espère arracher la pierre à l'évêque Foulque de Sevrin, ami de toujours du père de Druon, Jehan Fauvel, même s'il l’a trahi. Les chevaliers templiers sont pareillement à la recherche de la pierre qui offre un magnifique moyen de négociation avec Guillaume de Naugaret. En effet, le roi « Philippe souhaite museler l'ordre du temple, menace militaire et politique. L'extermination des êtres qui la composent lui importe peu. La pierre rouge contre des hommes. »

Andrea H. Japp tisse sa toile et dresse un tableau politique du XIVe siècle extrêmement documenté et polymorphe. L’intrigue est écrite au moyen de petites saynètes joliment étayées par le vocabulaire savoureux du Moyen-âge.

Les meurtres seront élucidés par Druon et le seigneur Bailli Louis Favre, homme intelligent et intègre, en qui notre héros trouvera un ami. Perspicace, celui-ci saura découvrir le sexe de Druon/Héluise mais Louis lui dira : « votre secret sera de ceux que j'aurai honneur et plaisir à protéger »

Après avoir suivi quelque fausses pistes, c'est finalement dans la parentèle de l'étrange mage Igraine, descendante des druides païens, que Druon débusquera le meurtrier qui, avant de se suicider, avouera les exécutions par vengeance. Druon n'a jamais cru au trépas d’Igraine qui l’a « surpris en plusieurs occasions par la pertinence de ses visions » et qui semble l'accompagner ou le précéder dans sa quête. Gageons que nous la retrouverons dans la suite des aventures de notre héros qui n'a pas avancé d'un pas dans sa « tâche d'honneur » et qui ne sait pas que l'évêque Foulque de Sevrin est à sa recherche : connaissant bien Héluise puisqu'il était son parrain, il a fini par comprendre que la jeune femme, « mire, avançait travestie en garçon dispensant l’art que son père lui avait transmis. » Cherchant à se racheter à ses yeux, il a décidé de la retrouver, de la protéger et de lui remettre la pierre pour l'amour de Jehan.

Druon repart vers l'Est accompagné de Huguelin successivement passé du statut de serviteur à celui d'apprenti-mire avant de devenir un véritable compagnon et confident. L’aventure continue… pour le plus grand plaisir du lecteur.

Bénédicte Bazureau 
(06/11/10)    

* Laïc, ayant le droit de se marier, le mire exerçait la médecine, souvent sans diplôme, après quelques années d'études. Le médecin, docteur en médecine, était un clerc jusqu'au XVe siècle et, à ce titre, avait interdiction de se marier.