Boris AKOUNINE

La prisonnière de la tour



A force de hanter la même époque, de résoudre des problèmes analogues et de partager le même génie déductif, il était inévitable que Sherlock Holmes et Eraste Fandorine se rencontrent tôt ou tard. C’est chose faite avec cette «  prisonnière de la tour », nouvelle éponyme d’un recueil qui en comporte trois, respectivement dédiées à Edgar Allan Poe, à Georges Simenon et à Maurice Leblanc.

Holmes et Watson, le 31 décembre 1899, sont appelés à la rescousse par M. des Essars, châtelain des environs de Saint-Malo qu’Arsène Lupin soumet à un horrible chantage : si des Essars ne lui remet pas toute sa fortune avant minuit, son château, où gît sa fille intransportable, sera détruit de fond en comble par une machine infernale dissimulée dans une des cachettes que le bâtiment abrite en grand nombre et dont le propriétaire lui-même ignore l’emplacement. A Holmes, donc, d’en découvrir le secret avant l’heure fatidique. Mais quelle n’est pas sa surprise lorsqu’il comprend que des Essars, jugeant que deux génies valent mieux qu’un, a également fait appel à Eraste Fandorine ! Les deux détectives, qui n’ignorent rien de leurs exploits respectifs, se montrent finalement heureux de se mesurer l’un à l’autre et, dans un esprit d’émulation, décident d’abord de travailler séparément. Mais leur adversaire, en leur donnant plus de fil à retordre qu’ils ne le croient, va les contraindre à unir leurs efforts.

Extrêmement brillante, et appuyée sur une excellente connaissance de Conan Doyle, cette longue nouvelle progresse de coup de théâtre en coup de théâtre jusqu’à la révélation finale, pour la plus grande jubilation du lecteur. Le récit est mené en alternance par Watson et par Massa, le « vassal » japonais de Fandorine, qui a décidé d’imiter le docteur en relatant les aventures de son maître. On y retrouve les personnages tels qu’en eux-mêmes, Watson avec sa vanité attendrissante, Holmes avec son goût du sarcasme et de l’effet, Fandorine avec son léger bégaiement et ses manières de gentilhomme. Comme toujours chez Boris Akounine, le plaisir très vif que procurent des péripéties passionnantes se double d’une distance ironique et d’un humour qui appellent une lecture au second degré.

Plus courtes et moins complexes, les deux autres nouvelles permettent de retrouver un Fandorine beaucoup plus jeune et toujours « d’une beauté suffocante », encore haut fonctionnaire de l’administration impériale. Dans la première, celle qui est dédiée à Edgar Poe, il est amené au cours d’une « conversation de salon » – c’est le titre du récit – à résoudre un mystère mondain qui cache en fait une réalité macabre et sanglante bien dans le goût des Histoires extraordinaires. La seconde le confronte à un triple empoisonnement dont il doit découvrir le coupable. Pour classique que paraisse l’enquête, elle n’en recèle pas moins son lot de surprises toujours pimentées d’humour noir.

On retrouve dans ces trois nouvelles l’élégance et l’inventivité qui caractérisent tous les romans de Boris Akounine. Ceux qui le connaissent en feront une fois de plus leurs délices. On ne saurait trop conseiller aux autres de découvrir toutes affaires cessantes les volumes traduits en français jusqu’à ce jour.

Sylvie Huguet 
(12/10/07)    



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Noir & polar







Presses de la Cité
284 pages
18,90 €


Traduit du russe
par Odette Chevalot



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