BoumKœur


de
Rachid Djaïdani






Moule d’une langue châtiée par une grammaire rigoureuse et par des professeurs attentifs aux dérapages, l’école de papa est effectivement grippée. Mais surtout l’expression populaire dont de nombreux auteurs français ont aimé la créativité fonctionne différemment dans nos années 2000 avec l’apport sous-estimé de la grande banlieue, lieu d’élection d’un nouveau verbe.

Avec BoumKœur, une dramaturgie originale écrite en partant du roman éponyme de Rachid Djaïdani, les gens de théâtre accusent réception de ce message car c’est d’abord cette langue neuve et percutante qui mobilise aujourd’hui les spectateurs du théâtre de la Boutonnière.

Le classicisme de l’expression théâtrale telle que collèges et lycées nous l’apprenaient jadis, fut accompagné ensuite par Jarry, Ionesco, Beckett, les surréalistes, Prévert, Dubillard et d’autres iconoclastes que Jean-Michel Ribes appelle avec bonheur les « impertinents nécessaires ». Cependant, les uns et les autres doivent aujourd’hui faire une place à de nouvelles situations et à de nouveaux dialogues, plus crus, plus directs, peut-être plus élémentaires et cependant aussi efficaces que compulsifs. Avec son phrasé spécifique de néologismes et de métaphores novatrices BoumKœur ressort sans équivoque d’un théâtre pur jus.

Ca n’est pas un autre univers ! C’est effectivement le nôtre, dont la spectaculaire mutation mène deux garçons d’une banlieue « craignos » dans un monde qui enfin les écoute, assimile leur demande et les propulse sur une scène a laquelle ils peuvent prétendre sans ambiguïté.

Bien sûr, ils vont vous faire partager des délires naïfs et vivre des phantasmes sans rapport avec ceux d’une génération très gâtée par les trente glorieuses. Mais c’est un langage issu de notre très déconcertante époque donc une expression nécessaire au théâtre contemporain.

La mise en scène d‘Habib Naghmouchin, enlevée, vive et précise, possède une inspiration heureuse et elle a le mérite de faire jaillir le vraisemblable de diverses situations tordues avec une simple chaise, une bouteille en plastique et deux couvertures. La salle marche a fond.

Grézy et Yazl, les deux copains joués par Tony Mpoudja et Salim Kechiouche sont les sympathiques et crédibles aventuriers de cette arche pas perdue à laquelle le théâtre de la Boutonnière a offert un port d’attache parisien. C’est à déguster avant fin janvier.

Claude Chanaud 
(11/01/09)    

Jusqu'au 31 janvier au Théâtre de La Boutonnière

Puis, du 19 au 29 mars, à la Maison des Métallos (94, rue J.-P. Timbaud - 75011)


Retour
Sommaire
Montreurs d'ours











Théâtre
La Boutonnière

25 rue Popincourt
75011 Paris

Accueil et réservations
Du mardi au samedi
01 48 05 97 23
ou sur le site du théâtre


Mise en scène
Habib Naghmouchin


Avec
Tony Mpoudja
&
Salim Kechiouche




Photo © Pierre Olivier Bannwarth / Lemagazine.info
Pour lire un entretien
avec l’auteur :
www.lemagazine.info





Paru au Seuil en 1999,
le livre est disponible
dans la collection Points