Michel Vuillermoz et Françoise Gillard

Cyrano
de Bergerac



à la Comédie Française




Vuillermoz… quel panache !


De nouveau, la Comédie Française fait jouer Cyrano de Bergerac. Et elle gagne. C'est la grande nouvelle théâtrale de ce printemps 2006 et un véritable bonheur pour les amateurs. Voilà une reprise souhaitée qui ressemble à une création. En effet, pour la première fois, le héros à la faconde étincelante et au nez protubérant nous apparaît surtout comme une incarnation du malheur d'être au monde, particulièrement pour certains êtres pour lesquels le sort est cruel et le parcours sans tendresse. De surcroît, dans un monde plus sensible aux apparences qu'au malheur resté discret.

Bien entendu, d'autres metteurs en scène et interprètes nous avaient déjà fait vibrer avec la souffrance récurrente du personnage imaginé par Edmond Rostand. Certains l'avaient même très heureusement soulignée. Mais il restait toujours sur la scène un quidam hétéroclite où le bretteur et l'homme des tirades se retrouvaient prioritaires au détriment de l'homme intime. En quelque sorte, ils faisaient passer le côté fracassant de l'homme d'épée et le brio des textes avant la vérité profonde du personnage.

Aujourd'hui, grâce à Denis Podalydès, perspicace metteur en scène, et à Michel Vuillermoz, subtil homme au long nez, mais également à la brillante équipe sélectionnée par la Comédie Française, la pièce nous fait comprendre la permanence d'une infortune transformée en destin ; et ceci bien avant de nous emmener dans les combats mythiques et les magistrales élucubres qui demeurent toujours des moments attendus et applaudis. L'authentique Cyrano est évidemment un grand désespéré avant d'être un brillant bretteur. Sa véritable cicatrice qui ne date pas de la Tour de Nesles l'accompagnera jusqu'à la mort. Elle a débuté dès son adolescence : "- Roxane en jupons s'appelait Madeleine. - J'étais jolie alors.
- Vous n'étiez pas vilaine."


Ce héros n'aura eu qu'un seul amour impossible. Et nous sommes malheureux pour lui quand Roxane lui décrit celui qu'elle aime.

Nous avons également les larmes aux yeux dans la cour du couvent au moment où il avoue à sa belle cousine : "Non, non, mon cher amour, je ne vous aimais pas" et enfin quand il la remercie : "Grâce à vous une rose a passé dans ma vie."

Mais, au-delà de ce spectacle qui donnait à divertir et à émouvoir depuis plus d'un siècle, on découvre aujourd'hui la représentation d'une pièce moderne où le nez du héros représente (ou amplifie) nos imperfections ou nos mal-être. Il annonce ainsi notre masque, nous qui pouvons être suivant les circonstances de notre vie, aussi nombriliques que Roxane, aussi simplistes que Christian et aussi désespérés que Cyrano.

Ce dernier, héros cornélien un peu maso, révélateur de notre commune fragilité dans le concert des comportements humains, n'apporte en finale pas d'autres solutions que la révolte par les mots ou la mort. Ainsi, le coruscant personnage de Rostand qui brille en alexandrins depuis 1871 cachait l'autre que la Comédie Française nous fait heureusement découvrir. Et c'est ainsi que cette pièce, relue et revue en 2006, est aussi magnifique que son héros est malheureux. Le décor participe à cette révélation. Surtout chez Ragueneau.

Le public ne s'y trompe pas en faisant une véritable ovation aux comédiens. C'est vous dire l'émotion à partager. Et Michel Vuillermoz… quel panache !

Claude Chanaud 



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Montreurs d'ours






Salle Richelieu

En alternance
jusqu'au 23 juillet
et reprise après l'été

Location :
Tél : 0825 10 1680
Fax : 0826 80 1680
et sur le site
du théâtre :
www.comedie-francaise.fr




Mise en scène :
Denis Podalydès










Le texte est disponible dans de nombreuses collections de poche et notamment chez Pocket avec une préface de Matthieu Baumier.