Au moment où de très nombreuses scènes d'Ile-de-France annoncent la fin d'une saison théâtrale où l'innovation croisa trop souvent le répétitif boulevardier, Michel Heim pimente à nouveau notre quotidien grisouillard sur deux scènes parisiennes avec trois comédies qui quitteront fin juin Paris pour Avignon et bien d'autres destinations estivales. Il s'agit de la reprise très attendue de Pas de gondole pour Denise avec la troupe des Caramels Fous au théâtre du Gymnase et de deux nouvelles comédies jouées à la Folie Théâtre : L'émule du pape et Madame est morte.

La première est une comédie musicale au rythme endiablé dont les musiques nous sont familières et dont les paroles sont très heureusement détournées au profit d'une séduisante dérision. Elle enchaîne fort heureusement avec Madame Mouchabeurre, hilarante Butterfly à la mode de Bretagne qui dura deux ans.

Les deux autres font partie de ces pièces où Michel Heim nous livre sa version d'évènements historiques concernant les Borgia (pour la première) et les Bourbon (pour la seconde). Et ça décoiffe avec bonheur car les papes et les rois nous y montrent d'abord leurs nombrils – si j'ose dire – en lieu et place d'une Histoire officielle figée par de conformistes historiens. Leur auteur s'en donne à cœur joie dans le labyrinthe de leurs ambiguïtés et ses talentueux interprètes approuvent et signent.

Les aficionados de ces parodies "sans tabou" sont évidemment aux rendez-vous dans les deux théâtres cités plus hauts mais pour les spectateurs d'Encres vagabondes restés "non initiés" voilà quelques explications nécessaires car les Caramels Fous et les autres troupes de théâtre patronnées par Bastille production qui vibrionnent avec bonheur dans ces trois pièces sont munis d'une double particularité.
La première est que leurs comédiens y jouent aussi bien des rôles de filles en hissant le travestissement au niveau d'un des beaux arts et la seconde est qu'ils pratiquent une aimable dérision, y compris à leur endroit. S'y ajoute une totale générosité concernant les exclus de tous genres et une lutte contre les idéologies qui est leur facette humaniste.

Faute d'être leur pape car ils sont parfois en soutane sur la scène, Michel Heim est leur auteur animateur. Il leur imagine des situations parodiques qu'il écrit avec talent, il les versifie souvent en alexandrins et il leur met le texte en bouche avec la pédagogie d'un metteur en scène bien inspiré. En fait, ils font partie des "impertinents nécessaires" pour reprendre la célèbre formule de Jean-Michel Ribes qui leur a autorisé une parodie de son inusable Palace.

Spécialistes du pied de nez rieur qui s'en prend aux idéologies en exercice et aux croyances pas encore périmées, ces artistes participent donc de pièces jubilatoires dont certaines furent nominées aux Molières. Leurs spectacles, passage obligé pour les vrais amateurs du théâtre contemporain, sont des bonheurs de scène.