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Volpone

de
Ben Jonson



Votre argent m'intéresse...

A la Comédie Italienne, je n’ai pas retrouvé le Volpone de Ben Jonson dans son jus traditionnel et je n’ai pas reconnu la commedia dell’arte dans son expression classique, cependant j’ai ri avec la spontanéité d’un enfant à Guignol et je témoigne d’une excellente soirée grâce à une interprétation très heureusement débridée.

Faut-il rappeler que l’insatiable cupidité des hommes pour l’argent qui ronge les âmes, les cœurs et les consciences est le thème de cette ancienne dramaturgie anglaise et que son sujet mobilise les spectateurs depuis les Grecs et les Romains ?

Oui… sans aucun doute… parce que la corruption qui en résulte est un mal récurrent de notre humanité et que, dans notre XXIe siècle, les exemples qui meublent l’actualité foisonnent un peu partout dans le monde. Y compris dans nos démocraties occidentales, capables par ailleurs de donner aux autres nations de prétentieuses leçons de comportement !

L’espoir d’avoir facilement beaucoup d’argent n’est certes pas un moteur récent, c’est même plutôt devenu une tradition assumée que l’hypocrite mariage de raison ou de convenances a hissée depuis des siècles au niveau d’un art de vivre. Mais dans tous les cas souvent étonnants où d’énormes fortunes changent de mains, la vigilance citoyenne est capable de reconnaître la fourberie des démarches et ses patelinages. Et notre rire « pas dupe » en demeure indigné.

Dans la nouvelle mise en scène de cette comédie, la charge contre la corruption passe avec bonheur au multiplicateur d’une interprétation baroque. Pour autant, elle y gagne aussi en efficacité. Volpone demeure toujours un escroc cynique et ses courtisans restent de cupides prétendants à d’hypothétiques retombées de poudre d’or, mais la salle de la rue de la Gaîté résonne des rires incessants devant les interprétations voulues et orchestrées par Attilio Maggiulli.

Pour mieux faire ressortir ses personnages caricaturaux, il les a installés dans un décor aussi hautement sophistiqué, chaud, brillant dans l’opulence voire coruscant, que transformable. On va aisément d’une riche maison vénitienne aux planches de cette ville qui prend toujours l’eau sans jamais s’y noyer. Un système simple et rapide nous fait effectivement passer de l’une aux autres.

Enfin, utile complément à une débauche de costumes aussi éblouissants que fantaisistes, les comédiens portent d’admirables masques qui dépassent leur rôle habituel de travestissement souligné pour exprimer combien la passion habitant les hommes peut les transformer. Ils font ainsi d’un avocat opportuniste un oiseau de proie et de l’âme damnée du puissant Volpone une femme arriviste aussi dénuée de principes qu’une chatte de gouttière. Chapeau les masques ! Et compliments sincères à cette talentueuse prestation franco-italienne.

S’ajoutent à cette comédie heureusement renouvelée quelques allusions à une des dernières affaires de « gros sous » franco-françaises ayant récemment mobilisé les médias contemporains. Nous conclurons avec regret sur le navrant constat exprimé en finale : Ainsi allait le monde ! Ainsi il va ! Ainsi il ira !

C’est ainsi que l’auteur est passé, il y a belle lurette, du cas particulier d’un mafioso vénitien à un problème universel de corruption. Et c'est ainsi que Ben Jonson est grand.

Claude Chanaud 
(11/12/10)    



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Montreurs d'ours





Comédie Italienne

17, rue de la Gaîté
75014 Paris

Réservation :
01 43 21 22 22

Métro : Gaîté
ou Edgar Quinet



Adaptation
et
mise en scène :
Attilio MAGGIULLI

Avec :
Hélène LESTRADE
David CLAIR
Jean Jacques PIVERT
Candido TEMPERINI
Manon BARTHELEMY
Georges COTILLARD

Masques
Thierry GRAVIOU

Régie générale
et accessoires
Claudine SIMON

Lumières
Gilles THOMAS

Décors
Stéphane VUARNET

Constructions
Jean-Claude ROFFE