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Stefan ZWEIG

Le joueur d’échecs



Fin de partie

Comme Van Gogh, Stefan Zweig est un suicidé de la société. Face à l’irrépressible montée du nazisme, il met fin à ses jours en 1942, après avoir achevé Le joueur d’échecs. Publiée à titre posthume, cette « petite nouvelle » deviendra son livre culte, sinon son chef d’œuvre. André Salzet l’adapte une nouvelle fois au théâtre du Lucernaire, pour notre plus grand plaisir.

Le décor ? Il n’y en a pas. Seuls deux accessoires, une chaise et une cigarette, tiennent compagnie à André Salzet, seul en scène. Si l’une se consume, l’autre bouge au rythme des évènements contés. Ne cherchez pas non plus de femmes, Le joueur d’échecs est une histoire d’hommes, un duel - mais pas combat de coqs - entre deux figures que tout oppose : Czentovic, champion du monde d’échecs, et « Monsieur B », inconnu dilettante. Czentovic est une brute épaisse, un ignare devenu arrogant grâce à son titre de champion. Son insultante domination renvoie à celle des dirigeants nazis. « Monsieur B », brillant avocat torturé par la Gestapo et relâché pour cause de démence, est strictement interdit de jeu. Une seule partie d’échecs lui déclencherait une crise de schizophrénie. Pour lutter contre la solitude en prison, il joua en effet inlassablement contre lui-même de célèbres parties d’échecs apprises par cœur, jusqu’à la folie.

Suspense, donc autour de cette bataille, brillamment interprétée par André Salzet, capable de jouer chaque personnage avec crédibilité. Aidé par de savants jeux de lumière, son ombre semble se dédoubler lors d’intenses scènes de schizophrénie. La mise en scène minimaliste d’Yves Kerboul repose sur l’humble talent de l’acteur. Pari osé mais réussi. Salzet est captivant.

Si cette adaptation théâtrale est remarquable, elle est aussi engagée, voire politique. Rappelons que Zweig écrit Le joueur d’échecs comme un testament avant de se donner la mort, vaincu devant l’irrépressible ascension du régime nazi. Il écrit « Je pense qu’il vaut mieux mettre fin à temps, et la tête haute, à une existence où le travail intellectuel a toujours été la joie la plus pure et la liberté individuelle le bien suprême de ce monde. » Le combat qui oppose « Monsieur B » à Czentovic est celui qu’a mené Zweig contre Hitler. C’est l’intellect contre la censure. En 1942, les jeux sont faits et Hitler prend l’avantage sur la partie. Mais en 2016, Zweig a gagné la bataille ; son œuvre est toujours vivante et remarquablement adaptée au théâtre. C’est le triomphe de la culture sur l’oppression. Echec et mat.

Jeanne de Bascher 
(13/02/16)    



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Théâtre du Lucernaire

53, rue N.-D. des Champs
75006 PARIS

Location :
01 45 44 57 34


Traduction
Jacqueline Desgouttes

Adaptation
André Salzet

Mise en scène
Yves Kerboul

Avec
André Salzet

Régie lumière
Ydir Acef