C’est une pièce autobiographique passionnante. Gabriel rencontre Camille en accompagnant ses fils à l’école. Tous les deux sont divorcés. Camille a deux filles. Camille ressent Gabriel sur la défensive mais elle insiste, ils sont attirés l’un par l’autre et ils finissent par reconstituer une nouvelle famille.

Peu à peu, nous apprenons que la vie de Gabriel a été broyée lorsqu’il avait huit ans, abusé par un prêtre. Quarante ans plus tard, cela perturbe toujours sa vie et sa vie de couple.

Il ne parvient à l’évoquer qu’en écrivant du slam.
« Ma sensibilité à fleur d'un pot
Elle le remplit à ras bord de mes larmes
Il déborde à chacun des soubresauts
Que déclenche le plus profond des vacarmes
Celui de ces douleurs qui sont enfouies
Je les avais vraiment bien camouflées
Tout au fond de moi elles étaient tapies
Équilibre précaire qui m'a leurré
Aujourd'hui elles remontent à la surface
Réveillées par un drôle de messager
Dégoulinant sur le long de ma face
En espérant pouvoir tout nettoyer. »

Le silence de Gabriel hante sa vie car il a honte de n’avoir pas su dire non, trois lettres si difficiles à dire face à un prêtre. Il n’a pas su comment réagir, il était trop jeune. Gabriel évoque la difficulté de parler. Sa mère l’a compris mais son père n’a pas admis pas que son fils ait pu accepter de se laisser toucher sans oser refuser.

En alternance avec Camille et Gabriel, la religieuse Sœur Blandine affronte le Père François car elle ne supporte pas que l’église demeure dans le silence face à toutes les révélations des victimes qui s’expriment de nombreuses années après avoir vécu les traumatismes qui ont gâché leur enfance et leur vie d’adulte.

« Bravo ! Oui, vraiment, bravo ! Excusez-moi de ne pas m'enthousiasmer plus que ça, mais l'Église ne fait que rattraper le temps perdu. Mon Père, nous avons trop tardé à prendre conscience de la gravité des faits. Nous sommes responsables de tous ces cœurs d'enfants pillés, et cela mériterait d'ailleurs la démission d'une bonne partie de notre hiérarchie. »

Peu à peu, nous apprenons aussi ce que le Père François a vécu et pourquoi il refuse d’entendre et de se confronter à la réalité dont lui parle Sœur Blandine.

Le décor est sobre, avec quatre chaises, et la mise en scène est très réussie pour accompagner les moments douloureux et émouvants parfaitement incarnés par des acteurs très impliqués.

Il est essentiel de lever le silence, de permettre aux victimes d’être entendues et respectées dans leur souffrance et d’obliger l’église et ses instances à reconnaître tous les faits qui pendant si longtemps ont été cachés.

En voix off, Laurent Martinez donne aussi la parole à un pédophile qui n’est pas passé à l’acte mais explique le combat qu’il livre pour enterrer ses pulsions.

C’est une pièce sensible et bouleversante avec de multiples voix qui libèrent la parole et percent un abcès. Cela interroge sur le fonctionnement de l’église et de la société. 
Bravo à Laurent Martinez pour son courage.