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Le plaisir
de rompre

suivi de
Pain de ménage

de
Jules Renard



En un décor minimaliste – deux fauteuils, un miroir, un transat en osier… –, dans un espace dépouillé, sont mises en scène, À La Folie Théâtre, deux comédies de Jules Renard relatives aux mouvements du cœur : Le plaisir de rompre, suivi de Pain de ménage.
Si le sujet est éternel, la manière dont il est traité par Joël Coté n’a rien de superficiel avec deux comédiens sincères et enthousiastes –  Hélène Phénix et Morad Tacherifet  – qui apportent une forme de simplicité et de fraicheur sur le plateau.

Avec Le plaisir de rompre et la musique off de Serge Gainsbourg, on assiste à l’état des lieux d’une rupture amoureuse, au rendez-vous ultime de Blanche et Maurice avant séparation. Elle lui tend un paquet avec des photos, son acte de naissance, « les dernières racines ». Les deux amants ont fait ensemble leur apprentissage amoureux. Malgré les promesses et les serments, c’est « sans amertume » qu’ils vont rompre, parce qu’ils ont décidé de se marier et ils font en sorte de donner l’image « de la rupture idéale ».
Pourtant, ça grince, ça bégaie derrière les apparences, car l’envie de l’autre n’est pas complètement retombée. Alors, les mots courtois, mouchetés de quelques fulgurances fielleuses. Malgré les blessures, on cherche à minimiser les choses, à rester correct ; on parle, en se vouvoyant, l’air de rien, du prochain mariage de Maurice.

Pain de ménage, la seconde pièce est, quant à elle, orientée vers la vie conjugale émoussée de Pierre et Marthe, soit un enchaînement assez logique de la comédie précédente.  Dans le salon d’un hôtel, « deux mariés » (mais pas ensemble) évoquent l’ennui de leurs couples au bout de quelques années. Marthe tombe de haut : « Comment ! Depuis que vous êtes marié, vous n’avez jamais eu de maîtresse ? » C’est tellement insensé de rencontrer un mari exemplaire !
Pourtant, l’un et l’autre aiment, de façon on ne peut plus honnête, leur femme et mari. La vie conjugale avec ses concessions et compromissions, ils semblent l’avoir domestiquée. Même si parfois leur traverse l’esprit qu’ils pourraient avoir une existence plus pétillante. Mais la révolte de fond, ça n’est pas pour eux ! Ils se satisfont à l’amiable de leur sort, ni heureux, ni malheureux, et ne poussent pas le bouchon de leur pensée au-delà des habitudes. Ce faisant, ils cohabitent avec les fêlures, et se contentent du « ronron des jours » sans état d’âme particulier, même si, dans le propos de la pièce, aussi éphémère qu’une bulle de savon, le mot spiritualité est verbalisé. Mais il y aurait un tel travail de fond à entreprendre pour élever sa pensée et changer les habitudes.

Le 16 mars 1897, Le plaisir de rompre a été créée avec succès au Cercle des Escholiers ; de même, le 16 mars de l’année suivante, était montée avec bonheur Pain de ménage au Figaro.

Efficaces, Morad Tacherifet et Hélène Phénix réalisent une belle prestation en incarnant l’éphémère du temps amoureux et la routine conjugale. La mise en scène de Joël Coté est d’une grande fluidité. Il dépoussière les deux comédies à caractère autobiographique de Jules Renard, un peu oubliées. Mises bout à bout, elles ont le mérite d’être tout à fait dans l’air du temps. Et c’est une superbe initiative que de leur avoir fait retrouver le chemin des planches.

Patrick Ottaviani 
(27/04/18)    



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À La Folie Théâtre

6, rue de la Folie-Méricourt
75011 Paris

Réservations :
01 43 55 14 80





Mise en scène
 Joël Coté

Avec
Hélène Phénix
Morad Tacherifet