Retour à l'accueil du site







L'affaire Courteline

Sept pièces courtes



La scène est bordée, côté cour et jardin, de hauts tabourets. Le public peut y contempler les comédiens qui viennent s’y asseoir entre les saynètes où ils ne jouent pas, même s’ils font tout ensemble en assurant les changements de décor. Entre deux situations, ils déplacent un secrétaire, réajustent les plis d’un paravent. Se lancent dans des gestes amples pour enfiler un nouveau costume, tout en soliloquant. On sent une équipe vivante et bien soudée, sous la houlette dramaturgique de Bertrand Mounier, le metteur en scène, qui ouvre le spectacle des sept pièces courtes de L’affaire Courteline au théâtre du Lucernaire.
Au rythme d’une virevoltance organisée, s’enchaînent les situations. On découvre un certain monsieur Badin qui ne veut plus aller travailler à l’Administration et préfère passer son temps à boire des bocks à la brasserie. Face à son directeur fou de rage, il brode des excuses extravagantes : il a perdu son oncle, son père à la Trinité, sa mère à Pâques. « A-t-on idée d’une boucherie pareille ! », s’exclame le directeur.
Le ton est donné, cocasse, grotesque. On jubile avec un monsieur et madame Proute aux accents de La cantatrice chauve. Un 31 décembre, assis au coin de l’âtre, monsieur Proute lit son journal, agacé par « la saleté du Jour de L’An et l’obligation de te f… des étrennes. » On se gausse, un peu après, avec les rapports qu’entretient un certain monsieur Champignon avec la justice. Une fantaisie judiciaire où il accuse sa femme Désirée qui le trompe avec son ami Canuche, car son mari l’a trompée avec Hortense…
Les saynètes sont entrecoupées d’une banderille d’aphorismes, comme de chansons gaillardes, en chœur ou a capella.

Voilà en quelques traits L’affaire Courteline. La dérision apparait tout au long de cette comédie. C’est frais, rigolard et on en veut davantage. Cela semble facile, mais rien n’est facile, sans le travail, on le sait bien. C’est tout simplement que les comédiens de la compagnie La Boîte aux Lettres savent y faire. Avec fougue et bonne humeur, ils nous donnent à voir les états d’âme de leurs personnages où l’on finit toujours par déceler un petit bout de soi-même.  
À l’époque – fin XIXe siècle – Georges Courteline est un habitué des cafés et un observateur pertinent de la vie parisienne. Avec l’œil espiègle d’un pince-sans-rire, il est à l’affût de tout ce qui bouge. Sa plume est prompte à croquer les défauts de ses contemporains avec cruauté et tendresse, qu’ils soient orgueilleux, arrogants ou naïfs. Et le comique des situations vient du télescopage entre leurs conditions sans éclat et leur égo surdimensionné ! Qu’il s’agisse de fonctionnaires paresseux ou de maris poltrons. En revanche, son œil est plein de bienveillance et ses sept pièces, courtes et joyeuses, pimentées d’extravagances, déroulent l’univers d’un dramaturge de grand talent. La comédie humaine est, sur la scène du Lucernaire, magnifiquement représentée.
La compagnie La Boite aux Lettres, Encres Vagabondes l’avait rencontrée au printemps 2017 avec cette fois-ci Salomé Villiers aux commandes dramaturgiques du Jeu de l’amour et du hasard, un autre franc succès. C’est donc avec bonheur que tous poursuivent leur lumineux chemin théâtral et avec plaisir qu’ils nous font rire. Et s’ils ont des recettes ou des secrets, on n’en veut rien savoir. Alors, pourquoi ne pas terminer cet article par cette phrase égrillarde de la chanson finale : « Amusez-vous. Foutez-vous de tout ! »
Le temps d’un spectacle ou plus, c’est comme on veut.

Patrick Ottaviani 
(07/04/18)    



Retour
Sommaire
Une loge
pour le strapontin












Théâtre du Lucernaire


53, rue N.-D. des Champs
75006 PARIS

Location :
01 45 44 57 34



Mise en scène
Bertrand Mounier

Avec
Isabelle de Botton
Salomé Villiers
ou
Raphaëlle Lemann
Etienne Launay
Pierre Hélie
Philippe Perrussel
Bertrand Mounier
ou
François Nambot

Collaboration artistique :
François Nambot

Costumes
Virginie H.

Création musicale
Kahina Ouali