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Pierre BÉNÉZIT


Penser
qu'on ne pense à rien c'est déjà penser à quelque chose




Dans une boutique vide Paulbert et Gérald répètent une scène, un dialogue au téléphone. Arrive Barbara, qui cherche du vin et la rue Boulard.
Une conversation s’installe entre ces trois personnages, aux caractères bien distincts. Là où Barbara est cordiale, Paulbert est ronchon, un peu ours et Gérald, gentiment naïf.
C’est ce dernier qui répond aux interrogations de Barbara qui se demande, comme nous, à quoi rime la répétition de ce dialogue. Il explique que lui et son cousin, lassés d’entendre les mêmes choses dans les dîners, ont lancé une entreprise de vente de conversations à l’usage de ceux qui ne savent pas quoi dire. Et pour cause : selon eux tout a été dit, les hommes ont trop utilisé les mots, ils les ont usés. D’où une envolée très drôle sur l’irresponsabilité des hommes préhistoriques qui n’ont pas pensé à ceux qui viendraient après et ont dépensé sans compter les ressources du langage.
Mais si les cousins vendent les discussions qu'ils créent ce sont également des esthètes de la conversation, ce que montre leur œuvre : « Brouhaha pour deux dans un hall de gare ». Ils ont également créé une collection entière de conversations sur le thème « Et si la mort n’était pas triste ?»
Penser qu'on ne pense à rien, c'est déjà penser quelque chose, à l'image de son titre, avance ainsi au rythme de raisonnements loufoques, de questions existentielles auxquelles une implacable logique apporte des réponses tout à la fois fausses et fabuleuses.
Barbara, dont la bonne humeur cache un drame, ne peut qu'être séduite et participer à cette tentative de distorsion du réel. Entre conversation badine, dialogue philosophique, certains silences (merveilleux entre Paulbert et Barbara) laissent entendre la fragilité des personnages qui tentent d'échapper au vertige de l'existence en se cramponnant à leurs propres vérités.
Dans la boutique vide de Paulbert et Gérald qu'est la scène du Théâtre de Belleville et au-delà peut-être toutes les scènes de théâtre du monde, on s'intéresse donc à la façon dont les mots représentent, ou pas, les choses. Et si les mots vacillent c'est tout le réel qui tremble. Par le langage on pourrait donc ordonner un monde qui ne l'est pas. C'est ce qui est à l’œuvre ici, et de façon remarquablement drôle.
Servie par des comédiens magnifiques – Olivier Broche, Vincent Debost et Anne Girouard jouant chacun leur partition à la perfection – la pièce saute ainsi de tirades farfelues en répliques poétiques pour aller vers une tonalité plus grave et poser des questions profondes sans jamais se départir de son humour et de sa légèreté, élégance du désespoir.

Amandine Farges 
(03/01/18)    



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Une loge
pour le strapontin















Théâtre de Belleville

94 rue du Fg du Temple
75011 Paris

Réservations :
01 48 06 72 34



Texte et mise en scène
Pierre Bénézit


Avec
Vincent Debost
Anne Girouard
Olivier Broche
(remplacé par
Luc Tremblais
les 13, 18, 20, 27 janvier
et les 2, 6, 8 et 10 février)


Scénographie
Pascal Crosnier


Création lumière
Julien Crépin