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Rencontre avec
Djamel SAÏBI


Auteur et metteur en scène



Comment est né le projet de cette pièce, Les Ecchymoses Invisibles ?
Le projet de cette pièce est né de ma rencontre avec une collègue, qui est rapidement devenue une amie. Celle-ci se trouvait dans une situation délicate avec son ex-compagnon. De ses confidences, la décision de dénoncer les violences conjugales et la difficulté de s’extraire d’une relation toxique, s’est très rapidement imposée.

C’est un sujet délicat et chargé en émotion mais vous avez réussi à introduire quelques moments plus légers. Comment avez-vous construit ce spectacle ?
Ce spectacle a été construit en plusieurs étapes. La première phase de création mettait davantage l’accent sur la violence et la brutalité du personnage masculin. Puis, j’ai souhaité, dans un second temps, apporter un éclairage différent sur la personnalité de ce dernier en parlant de son enfance et de ses blessures. De plus, j’ai voulu mettre en avant l’histoire de ce couple, le vécu des deux protagonistes et la tendresse qui les liait intensément l’un à l’autre. Le souvenir de leurs premières vacances en amoureux, la musique et la danse contribuent à ces moments de légèreté. Le comportement très enfantin de Michel face à sa passion des maquettes d’avions de guerre y participe également.

C’est ce qui donne toute sa force au spectacle car, en effet, Michel apparaît avec ses fragilités qu’il enfouit complètement dans ses moments de colère. La pièce doit être éprouvante pour la comédienne et le comédien qui s’impliquent totalement dans leurs personnages. Vous avez présenté cette pièce dans différents contextes. Quelles ont été les réactions du public ?
La pièce a tout d’abord été présentée dans une version courte à Fontenay-sous-Bois, en novembre 2018, dans le cadre de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Le public était composé, en autres, des élu.es de la Municipalité avec notamment Assia Benziane, d’une psychologue clinicienne, d’un commissaire de police et de femmes victimes elles-mêmes de violences conjugales dont mon ancienne collègue Florence Plazer. La pièce a ensuite été jouée dans sa version finale au festival « Théâtre en Liberté » à Billère en août 2019 et enfin à la Mairie du 18ème en novembre dernier, toujours dans le cadre de la journée internationale de l’élimination de la violence à l’égard des femmes. A chaque fois, le public a noté l’importance d’aborder ce sujet sur une scène de théâtre afin de sensibiliser le plus grand nombre à cette problématique. De plus, il a également (et notamment les femmes victimes) salué la véracité de la situation, des mots et de la personnalité des deux protagonistes, Corinne et Michel. Et enfin, l’interprétation incarnée des comédiens Emma Dubois et Eric Moscardo a fortement impressionné le public.

Vous avez reçu le Premier prix d’un concours de jeunes humoristes en 1995. Comment passe-t-on de l’humour au drame ?
J’ai effectivement reçu le premier prix d’un concours de jeunes humoristes  décerné par Marie-Caroline Burnat, directrice du Point-Virgule et par Henri Tisot, humoriste, avec lequel j’ai collaboré à l’écriture de mon one-man-show « Mémel ou les relations dangereuses ». Parallèlement à mon parcours de comédien comique, j’ai toujours été sensible à toutes formes de discrimination, d’injustice, de violence, de souffrance : tant d’aspects présents dans les drames. Et c’est tout naturellement que pour ma première mise en scène, j’ai choisi d’adapter et de monter « Chambres » de Philippe Minyana. Une pièce qui parle du destin solitaire et triste de six personnages vivant dans la cité industrielle de Sochaux. Des témoignages de femmes, émouvants, sensibles, vrais. J’ai écrit ma pièce « Les Ecchymoses Invisibles » pour alerter sur les violences conjugales qui ont conduit 149 hommes en 2019 à commettre l’irréparable ; une véritable tragédie. Depuis 2016, je forme un duo comique avec l’interprète de Corinne, en jouant « Odile et Barnabé » dans les hôpitaux d’Ile-de-France auprès de patients suivis en onco-hématologie. Nous apportons, par ce biais, un peu d’humour dans chacune des chambres du service. L’humour et le drame font entièrement partie de moi, ils coexistent depuis toujours en parfaite harmonie.   

Quelles sont les thématiques abordées par La Déesse Compagnie ?
La Déesse Compagnie aborde différentes thématiques dans son approche artistique et de sensibilisation, comme le VIH, le dépistage des cancers, le droit des femmes, la lutte contre les violences faites aux femmes, le burn-out, la violence en milieu scolaire, le rôle des aidants…

Pour vous, quel rôle joue la fiction théâtrale dans les sujets que vous abordez ?
Je mêle toujours de la fiction aux situations du réel que je présente. Cette fois, le propos de ma pièce « Les Ecchymoses Invisibles » était de présenter, comme un état des lieux, une situation qui fait écho malheureusement à des situations bien réelles. Cela signifie que j’avais à la fois un devoir de restitution de la réalité vis-à-vis des victimes de ces violences mais aussi un devoir de mise à distance vis-à-vis des spectateurs et spectatrices afin de rendre cette réalité acceptable à voir et à entendre. Le théâtre est un formidable moyen de se tenir à cette double place. À titre d’exemple, le langage utilisé par le personnage féminin de la pièce durant ses monologues est plutôt poétique et imagé (il décrit l’état émotionnel de celle-ci) alors que le personnage masculin parle une langue plus quotidienne, crue et violente. La lumière, le fond sonore musical, l’espace scénique en huis clos tiennent du spectacle, les personnages et leurs dialogues, non. Ils existent réellement. Je peux donc emprunter des situations ou des phrases au réel mais cela passe toujours par le filtre d’une écriture et d’une représentation scénique. Les deux se répondent et parlent au public. Pour moi, la fiction théâtrale tient un rôle important dans la société. Qu’elle soit comique, tragique ou dramatique… elle a une fonction socio-éducative.


Propos recueillis par Brigitte Aubonnet
(Février 2020)







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Les ecchymoses invisibles













Théo Théâtre

20 rue Théodore Deck
75015 PARIS


Texte
et
mise en scène
Djamel Saïbi


Avec
Emma Dubois
et
Éric Moscardo







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La Déesse Compagnie