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Jean-Claude Cuenca

Portraits d'artistes et d'écrivains


Vous réalisez des portraits d'artistes ou d'écrivains. Pouvez-vous nous parler de votre approche ?
Mon travail est avant tout une recherche plastique dont le choix est de représenter des visages en utilisant leurs identités. En réalisant des portraits d'artistes ou d'écrivains mon objectif est d'évoluer dans leur art respectif en utilisant, pour chacun d'eux, des éléments spécifiques à leur art. Ainsi les peintres sont représentés à partir des chiffons d'atelier qui m'ont servi à frotter mes brosses. Quant aux écrivains, dans l'univers des mots et de leur texte, ils trouvent naturellement la place qui est la leur.

Que représente une identité pour vous ?
L'identité est ce qui définit une personne. C'est l'élément fondamental et mystérieux qui caractérise et différencie chaque être humain. Au sein de ce mystère, le nom est un élément d'identification, le visage un élément de visualisation. Lorsqu'ils sont réunis, on obtient une carte d'identité d'un nouveau genre, permettant de représenter une personne de manière originale et suggestive.

Quelle technique utilisez-vous ?
Les techniques que j'utilise varient selon le travail à réaliser.
Pour les peintures, la technique que j'emploie est très classique. Il s'agit de peinture à l'huile. J'utilise également des vernis, des laques pour préparer les fonds. Je prépare le fond, trace et peins les lettres. Ensuite, je travaille par couches de glacis successifs jusqu'à l'obtention du résultat final.
Pour des portraits spécifiques, comme par exemple des portraits de peintres, j'utilise les chiffons d'atelier que j'emploie pour frotter mes brosses que je colle ensuite sur un support. En retouchant le moins possible le chiffon d'atelier que je positionne par nuances et couleurs, j'essaie de faire émerger le modèle.
Pour les portraits d'écrivains, c'est un travail numérique où j'associe l'image et le texte.

Pour les portraits de personnages célèbres vous alliez leur nom et leur visage. Quelles émotions souhaitez-vous dégager de cette alliance ?
Seuls des visages célèbres peuvent porter à son point d'incandescence le mystère de l'identité que je peins sur les toiles. En effet, parce qu'il les connaît, le spectateur peut d'autant mieux jouer à « identifier » les portraits que je lui présente. C'est là qu'il rencontre le paradoxe fascinant de l'identité : bien qu'il connaisse ces visages, il a pourtant du mal à les identifier tout de suite. De plus, l'impact imaginaire de tels visages est beaucoup plus puissant. Voir le visage de Marilyn, icône universelle par excellence, porte une charge émotionnelle beaucoup plus grande.

Pour les portraits d'écrivains vous alliez leur visage et un extrait de leurs écrits. Comment réalisez vous ce mélange ?
L'image devient récit, et le récit devient image. Les mots sont la géographie du visage, le texte se trame et libère l'image. Ces « portrécritures » sont le résultat d'une réflexion sur la représentation idéale d'une personne qui joue avec les mots pour créer un monde virtuel. Le choix d'un travail numérique a été évident.

Choisissez-vous d'abord les mots ou d'abord les visages ?
Le portrait d'un écrivain est le fruit d'une rencontre, d'une personnalité. Le choix du texte est fait conjointement avec l'auteur. Souvent il s'agit d'un texte autobiographique et impliquant à partir duquel l'image va se conjuguer.

En quoi cette alliance des mots et du visage permet-elle de définir la personne et de créer des émotions spécifiques ?
Le texte qui est sien et qui le dépeint supprime toute interprétation aléatoire. L'écrivain est tissé par ses mots, des mots qu'il raconte, qui le racontent. L'auteur se donne à voir en même temps qu'il se donne à lire. On parvient ainsi à un portrait plus complet et plus complexe, qui rend à l'identité du modèle toute son énigme.

Vous avez réalisé des visages célèbres. Quelles sont les raisons de ce choix ?
Les visages célèbres réalisés représentent des créateurs oeuvrant ou ayant oeuvré, dans des domaines différents, au bien-être des autres et qui ont, de fait, de par leur notoriété, des contenus émotionnels forts.

Vous réalisez aussi des portraits d'écrivains contemporains aux visages moins connus. Pourquoi des écrivains ?
Parmi les écrivains que je représente, certains sont très connus du grand public, d'autres beaucoup moins, ce n'est pas un critère déterminant. Grâce à ce projet j'ai découvert l'univers des mots, des atmosphères, des mondes virtuels. J'ai été sur le fil du rasoir des émotions, j'ai traversé des personnages fictifs, j'ai croisé des regards, j'ai percé des instants inoubliables. Je remercie tous ces magiciens des mots et j'espère avoir restitué une grande partie de ce que j'ai pu recevoir. Qu'ils soient romanciers, poètes ou psychanalystes, chacun apporte un regard qui lui est propre.

Propos recueillis par Brigitte Aubonnet





Jean-Claude Cuenca
présente sur son site
des dizaines de portraits :
Freud, Hugo, Derrida,
Nietzche, Wells, Jaurès,
Toulouse-Lautrec, Kurusawa,
Jennifer Lopez...

Les visages sont entièrement constitués par des lettres.
Le texte est lisible au format "normal" de l'œuvre.

http://cuencajc.free.fr




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