Petit livre (par son format et ses 96 pages) de circonstance, pour les 20 ans des éditions Le pommier, où l'arrière-grand-père, Michel Serres, tire des morales de sa propre existence et les livre, donne, à ses arrière-petits-enfants.

Elles sont au nombre de six, dont deux prononcées déjà sous forme de discours. Chahuter. Être chahuté. Deux lynchages. Rire dur et rire doux. Donner, pardonner. La vertu du virtuel.

Michel Serres écrit : « Nous [l’espèce animale par rapport aux insectes] changeons, progressons et régressons, nous inventons l'avenir parce que déprogrammés, nous désobéissons. » Ainsi il voit comme une nécessité à désobéir de façon douce et prône le chahut et le canular.

En revanche, Être chahuté en mer, comme le marin qu'il fut, impose une obéissance sans faille car c'est la vie d'un équipage qui est en jeu.

Pour Rire dur et rire doux, il énonce : « Je crains le rire critique, parfois libérateur, souvent meurtrier. Trop dur. » Et de citer les rires qui ont tué Socrate, Maupertuis ou Salengro. À cela il préfère le rire doux des « faux durs » comme Matamore, Tartarin, Haddock ou Cyrano. Personnages qu'il retrouve dans la publicité.

Pour Donner, pardonner, il indique : « Il est une vieille question, celle des bienfaits et des dons. Depuis la plus haute antiquité, moralistes, philosophes et ethnologues se demandent s'il est possible de rendre ce que l'on vous a donné. » Et sa réponse est simple : il suffit de redonner. « Les enfants sont moins tenus de rendre à leurs parents ce que ceux-ci leur ont donné qu'ils ne doivent le rendre à leurs propres enfants. […] Ainsi la reconnaissance doit-elle devenir plus transitive que réciproque. »

Quant à La vertu du virtuel et l'agacement du Grand-papa Ronchon, le no-native, devant l'informatique, les jeux vidéo, le virtuel en général, Michel Serres indique que vertu et virtuelle ont la même étymologie, que l'homme est tout entier tendu vers le virtuel, preuve en est la littérature, et pour ceux qui disent que « c'était mieux avant » Petite Poucette rappelle « que l'atroce XXe siècle produisit en guerres et crimes d'État, plus de cent millions de morts ».

Ne cherchez pas dans ce petit livre de grandes morales, Michel Serres n'est pas un moraliste à la Chamfort. C'est simplement un bon aïeul malicieux qui donne à ses petits-enfants quelques réflexions faites à partir de sa vie. Il leur dit désobéissez mais pas trop, vivez votre temps, imaginez… Bref, il leur donne confiance et les rassure.

Michel Lansade 
(23/08/19)